Diégèse | |||||||||
mardi 3 décembre 2019 | 2019 | ||||||||
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Une Passion timide | 337 | ||||||||
Noëmie Diégèse | |||||||||
Cela
semble confirmé, mais l'information est pourtant si étrange et si
inattendue que le quartier hésite encore à la considérer comme vraie.
Comme souvent, ce sont les enfants qui, les premiers, ont alerté leurs
parents quand ils sont revenus de la fête d'anniversaire de la plus
grande, qui vient d'entrer en sixième. Il faut dire qu'ils avaient bien
remarqué qu'elle était un peu bizarre, ayant refusé, en primaire,
d'être inscrite à la danse et préférant aussi pendant les récréations,
le plus souvent, rester à la bibliothèque en prétextant la crainte de
crises d'asthme. Mais, on sait bien que les enfants ont une
imagination débordante et il fallait qu'un adulte ou une adulte allât
vérifier chez eux si c'était bien vrai. Il fallait pour cela trouver un
prétexte, car, dans le quartier, on ne va pas les uns chez les autres
sans motif et surtout sans y avoir été invité. Or, cela n'arrive
jamais. Personne n'invite personne. Il n'y a jamais que les enfants qui
vont de maison en maison. Sinon, au mieux, l'été, on ferme la rue pour
faire un barbecue très arrosé où l'on rigole en disant que l'on n'aura
pas loin à aller pour aller se coucher. C'est subventionné par la
municipalité au tire d'un programme nommé « Convivialité dans nos
quartiers ». Cet événement communautaire prend certes depuis
quelques
années des allures politiques, car, on y affiche le porc et l'alcool
pour bien signifier que l'on n'est pas musulman et que ceux-ci ne sont
pas les bienvenus dans le quartier. Quelques semaines après la première alerte, un événement inattendu a permis de vérifier les allégations des enfants. Madame M., leur plus proche voisine, avait accepté par erreur un colis d'un livreur d'une grande société de commerce par l'internet, toujours pressé car payé au rendement. Il faut avouer que depuis quelques années, dans le quartier, c'est un ballet incessant de livreurs en scooters ou en camionnettes qui livrent jusque tard le soir les objets ou les denrées les plus diverses. Comme il n'y a aucun magasin entre la gare de RER et le quartier, cela évite de devoir ressortir, surtout qu'il se dit que le centre commercial voisin est de plus en plus mal fréquenté et que le parking est devenu un coupe-gorge. On a récemment cassé la vitre arrière droite du Duster de Monsieur T qui a juré que s'il prenait un jour un de ces salopards, il lui ferait passer le goût du pain. Les gens ont ri que Monsieur T utilise encore cette expression en voie d'obsolescence avancée. Madame M. devait donc rendre le colis. Elle est allée sonner à leur porte et fort aimablement, la mère lui a proposé de prendre un café au salon. Et c'est là qu'elle l'a vue pour la première fois. Cela pouvait ressembler à un vase, mais il était ajouré, si bien qu'il aurait été impossible d'y mettre de l'eau et encore moins des fleurs. C'était sans doute en céramique, d'une couleur verdâtre parmi les plus verdâtres. C'était sur une console dans dans le salon, disposé comme s'ils en étaient fiers. Madame M. n'a pas pu feindre l'indifférence et sa surprise et sa curiosité ont été remarquées. C'est notre fille, lui a-t-on dit alors. Elle a voulu cela pour son anniversaire. C'est une œuvre originale d'un jeune artiste. |
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page 337 | |||||||||
Toute la collection | 4e de couverture | ||||||||
« Une
passion
timide. » C'est ainsi que le moraliste François de La
Rochefoucauld qualifie l'envie : « On fait souvent vanité
des passions même les plus criminelles ; mais l'envie est une
passion timide et honteuse que l'on n'ose jamais avouer. » Dans ce roman de Noëmie Diégèse, un couple vit dans une de ces banlieues parisienne qui portent un nom fleuri. Tout semble avoir été fait pour exténuer l'envie. Les pavillons sont du même modèle. Les familles ont à peu de chose près le même mode de vie. Quand un coup dur survient et qu'une famille subit une perte de revenus, elle vend le pavillon avant de s'endetter davantage et déménage. A contrario, si l'une d'entre-elles fait un héritage, elle déménage aussi pour aller dans un autre lotissement un peu plus huppé. Il ne viendrait à l'idée de personne ici d'avoir une voiture de luxe ostentatoire, qui laisserait imaginer aux voisins des activités illégales comme dans la cité de l'autre côté de la quatre-voies. Et pourtant ? Les passions timides pourraient soudainement se déchaîner. Pour un rien : une option supplémentaire sur le SUV de milieu de gamme ; un nouvel appareil ménager ; des vacances prolongées et un teint trop hâlé... Et si ces passions devenaient de moins en moins timides ? Un événement inattendu va leur permettre de s'exprimer et de libérer toute la violence contenue, parfois pendant des années. L'enfer est ordinaire et Sartre ajouterait que « c'est les autres ». Un roman contemporain des plus noirs que vous aimerez lire passionnément et sans timidité superflue. |
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3 décembre | |||||||||
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