Diégèse




mercredi 11 décembre 2019



2019
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Rien ne ressemble à rien 345



Noëmie Diégèse




Au moment de conclure ce petit ouvrage, bien modeste, nous pourrions conseiller, comme on le fait à la fin des émissions de radio ou de télévision, la lecture, « pour aller plus loin », de « Soi-même comme un autre » de Paul Ricœur. Examinons ensemble la quatrième de couverture dans la collection Points des Éditions du Seuil : « Soi-même comme un autre : l'ipséité est impossible sans l'invariant de l'identité, mais l'identité prend sens par la singularité affirmée de l'ipséité. » La citation résonne ici comme le sujet d'une dissertation de philosophie, mais nous pouvons tenter de la démonter à la lumière des quelques pages qui dans notre ouvrage la précèdent. « L'ipséité est impossible sans l'invariant de l'identité » : en effet, toute la philosophie du sujet ne dit jamais autre chose, depuis le « connais-toi toi-même » du vieux Socrate, mais, ce faisant, elle laisse souvent dans l'ombre la question de l'identité. Nous pourrions d'ailleurs retourner la formule en disant que sans ipséité, l'identité n'est qu'une assignation autoritaire de l'institution relayée par les autres dont ils se font les messagers. Dans les évangiles, Jésus rencontre Simon le pêcheur et le renomme Pierre. On explique souvent que la raison en est qu'il a la prescience de tout ce qui va se passer et qu'il veut pouvoir aboutir à ce jeu de mot célèbre : « tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Église. » Mais, nous pouvons considérer qu'il commence autoritairement par substituer un autre identité à celle que ses parents lui avaient donnée. Quelle en serait la raison si ce n'est, en suivant Ricœur, de lui permettre, en faisant justement varier l'invariant de l'identité, d'atteindre et de pratiquer une nouvelle ipséité. Et c'est bien ce qu'il demande à ses disciples, cette ipséité nouvelle et c'est aussi celle qu'il demande à l'humanité. Dans les évangiles, toujours, jusqu'à la fin, l'identité de l'homme que l'on appelle Jésus est floue. Même si Matthieu le place d'emblée dans une généalogie identitaire de prophètes, Jésus ne revendique pas pour lui-même d'identité messianique. Quand ses disciples lui disent qu'on leur demande s'il est le Messie, il leur répond : « et vous, que dites-vous ? ». Nous pourrions ainsi oser prétendre que le Christ est toute ipséité, que c'est le sens profond de l'évangile qui nous demande d'abandonner notre identité pour n'être plus qu'acte d'amour vivant. Les papes ne commencent-ils pas par changer de nom ? C'est une jolie chimère que d'avoir pour ambition, et même pour unique ambition de jeter aux orties institutionnelles la gourme de l'identité pour n'être plus que manifestation de notre humanité intrinsèque. N'est-ce pas d'ailleurs ce qu'introduit la deuxième partie de la citation de Ricœur ? Ce qui va me faire moi et manifester mon unicité, ce n'est pas l'identité assignée mais mes actes dans le monde. Nous sommes faits de faits et défaits par les faits aussi, si l'on nous pardonne ce jeu avec les mots, aussi.

Mais, il faut conclure : regardons les autres et cessons de les considérer dans leurs différences identitaires assignées pour privilégier leur mêmeté. Celles-ci, ceux-ci, sans distinction de genre, d'origine, d'âge, de culture, de passé, de futur, ce sont nos semblables et nous devons accorder notre ipséité à la leur dans l'oubli total de notre identité assignée. Cela semble difficile et c'est difficile, car, cela ne nous demandera pas moins de modifier l'une des clés fondamentales de nos mécanismes de pensée, clé bien identifiée par les structuralistes, notamment : notre capacité à discriminer.









page 345










Toute la collection


4e de couverture






« Ça me fait penser à... » ; « c'est comme moi, un jour... » ; « comparons la situation actuelle à celle de... » ; « c'est exactement comme moi... » ; « moi aussi, quand j'étais enfant, je... » ; etc.
La philosophe Noëmie Diégèse remet sur le métier de la pensée l'infinie question du semblable et du différent. Pourquoi l'être humain est-il toujours à la fois en quête de distinction et de similitude ? Que provoque la mise en tension de ces deux pôles opposés qui agissent sur nos vies comme un champ électrique ? La mise en tension, justement, c'est la vie, répond après tant d'autre la philosophe. Noëmie Diégèse nous emmène ainsi dans une promenade philosophique pleine d'allégresse et de légèreté au cours de laquelle les géants de la pensée nous semblent bien familiers. Car, nous ne pourrons, vivant, nous dégager de notre identité, terme qui porte par son ambiguïté première, « en même temps », la marque de notre « mêmeté » et de notre ipséité.
Voilà une bien jolie méditation que nous propose ici notre philosophe préférée.










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