Diégèse




samedi 9 février 2019



2019
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Juste cela et de temps en temps 40



Daniel Diégèse














Il me reçoit dans un appartement rempli de livres de la périphérie de Poitiers. « Il faut descendre à la gare de Ligugé » m'avait-il précisé au téléphone. J'ai pris le Train Express Régional qui va jusqu'à Angoulême. Les bizarreries du T.E.R. ont fait que le train a dépassé Ligugé pour s'arrêter à Vivonne où il a fallu que je reprenne un train pour Poitiers qui, lui, s'est bien arrêté à Ligugé. Je n'ai pas été surpris. L'indicateur des trains sur mon téléphone réputé intelligent, connecté à la météorologie locale via un processus de géolocalisation avait tout prévu. Il pleuvait à Ligugé. Il m'attendait à la gare. Il m'avait prévenu : « vous me reconnaîtrez, je n'ai l'air de rien. » Ce n'était pas tout à fait exact, mais je l'ai cependant reconnu, surtout parce qu'il avait l'air que l'on prend quand on attend quelqu'un que l'on ne connaît pas, alors que personne d'autre n'attendait ce jour-là d'inconnus à la gare de Ligugé. Il a souri en précisant qu'il s'était épargné l'humiliation de devoir arborer une pancarte avec mon nom comme un chauffeur de taxi ou de Véhicule de tourisme avec chauffeur. Nous sommes partis dans sa voiture qui ne ressemblait en effet en aucune façon à ces limousines noires qui vendent des services de courses à la demande. Il m'a demandé si je connaissais l'abbaye de Ligugé et m'a proposé d'y passer après notre entretien. Il m'a rappelé que Rabelais avait écrit à Ligugé sa première œuvre en français. En fait, il me l'apprenait. Je ne crois pas l'avoir jamais su. Nous aurions pu aller dans un café ou encore nous rencontrer à Poitiers, mais je mets comme condition aux rencontres que je fais avec les écrivaines et les écrivains que notre entretien se déroule là où elles ou ils écrivent.

Ma première question est toujours la même : « Vous écrivez ? »

Sa réponse a été sans équivoque : « Je n'écris plus de romans. Je n'ai pas perdu le goût du roman, mais, aujourd'hui pour être écrivain, il faut ressembler à un écrivain et faire l'écrivain comme il faut faire écrivain. Alors, certains jeunes ou moins jeunes se donnent des allures de premier roman de Gallimard. Cela ne fait rien à leur écriture. Ils fréquentent les lieux d'écrivains avec un air entendu. Pour s'établir dans le monde, on fait tout ce que l'on peut pour y paraître établidisait La Rochefoucauld. Je n'ai pas envie de jouer à cela. Je ne crois pas que j'y parviendrais. Ce premier roman publié en 1997 et qui avait connu un certain succès a été pour moi une forme de supplice et j'ai vraiment pensé un temps proposer mes services à l'abbaye de Ligugé comme portier pour me retirer du monde. Je ne voulais à aucun prix connaître de nouveau les affres de la notoriété et je n'étais aucunement flatté que ma voisine ait pu ou non me reconnaître au passage dans une émission de télévision sur les premiers romans de l'année. La boutique de l'abbaye n'avait pas mis mon livre en rayon. Sans doute devait-il y avoir des pages qui auraient pu choquer les fidèles. Mais, les librairies de Poitiers l'avait un temps mis en vitrine. Je n'ai jamais bien su si c'était pour le roman lui-même ou parce que l'éditeur avait reçu une aide du Conseil régional. »









page 40










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4e de couverture






Que sont les écrivains devenus ? Daniel Diégèse a mené l'enquête, de façon minutieuse, mais non fastidieuse. Il est parti à la rencontre des écrivaines et écrivains qui ont publié en 1998 et en 2008 un premier roman dans l'une des grandes maisons d'édition qui se partagent les prix littéraires. Ils leur tirent le portrait et retrace l'entretien qu'il a eu avec chacune, chacun. L'ensemble est un camaïeu de personnalités attachantes, très diverses. Toutes et tous écrivent encore, même si très peu d'entre eux, d'entre elles, sont encore publié.e.s. Leurs histoires, leurs rêves, leurs espoirs, l'émotion quand ils ont reçu la lettre, le coup de téléphone qui leur annonçait qu'ils allaient être publié.e.s... leurs déceptions et parfois leurs colères contre ce qu'il est admis de nommer l'industrie du livre.

« Aujourd'hui pour être écrivain, il faut ressembler à un écrivain et faire l'écrivain comme il faut faire écrivain. Alors, certains jeunes ou moins jeunes se donnent des allures de premier roman de Gallimard. Cela ne fait rien à leur écriture. Ils fréquentent les lieux d'écrivains avec un air entendu. Pour s'établir dans le monde, on fait tout ce que l'on peut pour y paraître établi disait La Rochefoucauld. »

Et puis, en fin de compte, c'est toujours la voix de Roland Barthes qui résonne : « écrire a besoin de clandestinité ».










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