Diégèse




samedi 5 janvier 2019



2019
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J'ai encore regardé le journal 5



Noëmie Diégèse














J'ai encore regardé le journal. J'ai craqué. Je suis trop stupide. Je ne vais pas pouvoir écrire une ligne pendant au moins un mois. Je sais pourtant que c'est le plus grand danger pour moi, ces magazines édités par les quotidiens et bourrés de publi-reportages et souvent appelés : « suppléments. » Je n'ai même pas l'excuse d'être tombée dessus par hasard : celui-là, je l'ai lu en ligne. La page électronique m'annonçait même le temps de lecture : 17 minutes. Il aura fallu moins de 17 minutes pour m'abattre.
Ce n'est pas un mauvais article pourtant. La journaliste a bien fait son travail. Elle s'est documentée. Elle s'est déplacée. Elle a écrit avec mesure. Elle a écrit mesurément. Elle a écrit mesurément sur un événement démesuré. Or, il ne s'agissait pas d'écrire « sur », mais d'écrire. C'est ce qui différencie l'écrivain.e et le-la journaliste.
Le combat est féroce. Celle qui l'a mené avec le plus de force et de courage, c'est bien sûr Marguerite Duras : « Sublime, forcément sublime Christine V. » Ce qu'elle affirmait, au risque des railleries les plus gouailleuses, c'est qu'il y a des faits, avérés, supposés, des procès, des enquêtes, des pièces à conviction et que cela constitue l'événement sur lequel les journalistes vont écrire. Et puis, dans ce fatras, il y a une histoire qui pourrait se prêter à l'écriture.
L'article de 17 minutes relate les suites d'un crime terrible perpétré par un adolescent. Condamné à perpétuité, cet adolescent semble atteint d'un trouble psychiatrique qui annihile l'empathie. Dès lors, il est simple, facile, rapide, d'assimiler cet adolescent au mal. La journaliste tourne autour. Pas facile d'écrire sur le mal. La journaliste interroge avec respect les parents et les grands-parents, retrace les parcours biographiques. Elle fait son boulot. Mais il faut qu'elle s'approche de la littérature. De la mère, elle écrit : « ses yeux sont bleus douleur. »
J'appelle M.D. à la rescousse. Qu'est-ce qu'elle aurait fait ? Rien peut-être. Elle n'aurait pas lu l'article.
Et puis, il n'y a peut-être pas d'histoire.









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4e de couverture






Noëmie Diégèse est certainement une de ces écrivaines qui se nourrissent de l'actualité, qui la pétrissent et qui l'incorporent dans la matière même de leur texte, de leur fiction. Mais, dans ce deuxième roman, l'auteure met en scène un personnage féminin, qui lui ressemble peut-être un peu, qui est empêchée d'écrire par ce qu'elle lit dans le journal.

J'ai encore regardé le journal. Je n'aurais pas dû. J'y trouve tant de trivialité, qui n'est pas la trivialité du réel mais qui est la trivialité des commentaires, la trivialité de l'intention des commentaires qui relève d'une volonté orchestrée d'avilir l'imaginaire.

Dès lors, en forcenée du texte et de l'écriture, la narratrice traque cet avilissement de l'imaginaire perpétré par la machine médiatique.

Voilà un livre qui secoue. On ne lit plus ensuite les journaux de la même façon.










5 janvier






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