Diégèse | |||||||||
mercredi 17 juillet 2019 | 2019 | ||||||||
ce travail est commencé depuis 7138 jours (2 x 43 x 83 jours) | et
son
auteur est en vie
depuis 21591
jours (32 x 2399 jours) |
||||||||
ce qui représente 33,0601% de la vie de l'auteur | |||||||||
hier | L'atelier du texte | demain | |||||||
comme des photographies | 198 | ||||||||
Mathieu Diégèse | |||||||||
G.D.
photographe, artiste Je
ne sais pas. Je ne
sais
pas comment je prends mes photographies. Je peux vous dire quel
matériel j'utilise. Je peux même vous dire quel matériel j'ai utilisé
depuis la première photographie que j'ai montrée. J'ai une vision très
précise de l'appareil photographique qu'un ami de mon père
m'avait prêté pour les vacances. C'étaient mes premières vacances sans
mes parents. Je lui avais dit que je partais pour faire des
photographies. Il m'avait prêté un vieil appareil , un des premiers de
type « reflex ». Je ne savais pas que j'avais un appareil
historique
entre les mains. Il s'agissait d'un Nikon F de 1959 acheté au
Japon. On
en trouve encore d'occasion pour environ deux-cents euros. Ce n'est pas
très compliqué. Sans objectif, bien sûr. J'avais deux objectifs :
un 35
et un 50. Cela me suffisait. Je n'ai d'ailleurs pas d'autres objectifs
aujourd'hui, ni téléobjectif, ni objectif à focale variable. Je m'étais
juste payé un pied
avec mes économies. Et j'étais parti avec mon appareil et mon pied. En
fait, le pied, je m'en rends compte maintenant, c'était pour deux
choses : d'une part pour montrer que je prenais des photographies
pour
une autre raison que celle de garder souvenir des paysages, des sites
ou des
personnes. Mais, il me servait aussi à oser prendre la photographie. En
fait, le secret est là, s'il y a un secret dans la photographie : oser. Combien de fois dans
ma vie j'ai entendu « mais, qu'est-ce que tu prends ? Il n'y
a rien à
prendre ici. » Un jour, la concierge d'un immeuble a menacé
d'appeler
la police parce que je prenais en photo la vitrine d'un café fermé
pendant l'été. J'ai tenté de lui expliquer ce qui m'intéressait mais
elle n'a pas du tout été convaincue. Ce n'était pas encore un appareil
numérique que j'utilisais alors et il n'était donc pas possible de lui
montrer les images que
j'avais prises. Je suis parti en grommelant. Je n'ai jamais développé
cette image. Je ne sais pas si j'ai encore le négatif quelque part.
Mais, j'étais heureux, car j'avais osé prendre cette image et osé tenir
tête à la mégère. Aujourd'hui, il m'arrive de photographier avec mon
téléphone mobile. Je devrais dire qu'il m'arrive d'oser photographier
avec mon téléphone. C'est un téléphone qui fournit des images de
qualité suffisante pour les tirer ensuite. Il n'y a pas de problème
avec ça. Mais, je me rends compte que je suis moins protégé. Rien ne me
distingue de la quasi totalité des personnes qui m'entourent quand je
photographie, qui, toutes ou presque, ont un téléphone avec un appareil
photo dans la poche. Il faut donc oser davantage. Si la phrase n'était
pas stupide, je pourrais dire qu'il m'a fallu quarante ans pour oser
photographier avec un téléphone mobile. C'est stupide, parce qu'il y a
quarante ans, il n'y avait pas de téléphones mobiles. Mais, je
comprends la démarche des photographes qui ont travaillé avec des Kodak
Instamatic ou même des appareils jetables, comme Bernard Plossu, y
compris, pour ce dernier, pour des commandes. Aujourd'hui, travailler
avec son mobile, c'est un peu comme quand Plossu a commencé à
travailler avec ses jetables. Mais je comprends tout aussi bien ceux
qui
travaillent à la chambre. Ce que je veux dire, c'est que, quel que soit
l'appareil, il reste qu'il faut appuyer sur un bouton à un moment ou à
un autre et que ce qui caractérise ce moment précis, c'est le moment où
on ose.
|
|||||||||
page 198 | |||||||||
Toute la collection | 4e de couverture | ||||||||
Il
y a certainement autant de manières de prendre des photographies qu'il
y a de photographes, à en croire la diversité de la production d'images
par ce procédé depuis son invention. Alors, qu'est-ce que les
photographes
disent de la manière dont ils prennent leurs images, que ce soit avec
un téléphone mobile ou à la chambre ? Plusieurs étés sur une période de quinze années, Mathieu Diégèse, écrivain dont on connait le goût pour la photographie, est allé rencontrer les photographes aux Rencontres internationales d'Arles, ainsi qu'à Visa pour l'image à Perpignan. À chacune, à chacun de ces photographes, il a posé la même question : comment prenez-vous les images ? Se dessine de cette suite d'entretiens où l'on croise des noms célèbres et d'autres inconnus, non pas une sorte de manuel de la photographie contemporaine, mais une théorie sensible de l'image photographique à peine infléchie par le numérique. Le ou la photographe amateur.e sort de cette lecture, non pas en voulant faire la même chose que ces professionnel.le.s, mais en se disant qu'elle aussi, que lui aussi, pourrait réfléchir à sa propre pratique de production d'images... et sans doute en parler avec Mathieu Diégèse lors d'un prochain festival. Nul doute, d'ailleurs, que vous le croiseriez : il en est un des piliers. |
|||||||||
17 juillet |
|||||||||
2009 | 2008 | 2007 | 2006 | 2005 | 2004 | 2003 | 2002 | 2001 | 2000 |
2018 |
2017 |
2016 |
2015 |
2014 |
2013 |
2012 |
2011 |
2010 |