Diégèse




mercredi 17 juillet 2019



2019
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L'atelier du texte demain










comme des photographies 198



Mathieu Diégèse














G.D. photographe, artiste

Je ne sais pas. Je ne sais pas comment je prends mes photographies. Je peux vous dire quel matériel j'utilise. Je peux même vous dire quel matériel j'ai utilisé depuis la première photographie que j'ai montrée. J'ai une vision très précise de l'appareil photographique qu'un ami de mon père m'avait prêté pour les vacances. C'étaient mes premières vacances sans mes parents. Je lui avais dit que je partais pour faire des photographies. Il m'avait prêté un vieil appareil , un des premiers de type « reflex ». Je ne savais pas que j'avais un appareil historique entre les mains. Il s'agissait d'un Nikon F de 1959 acheté au Japon. On en trouve encore d'occasion pour environ deux-cents euros. Ce n'est pas très compliqué. Sans objectif, bien sûr. J'avais deux objectifs : un 35 et un 50. Cela me suffisait. Je n'ai d'ailleurs pas d'autres objectifs aujourd'hui, ni téléobjectif, ni objectif à focale variable. Je m'étais juste payé un pied avec mes économies. Et j'étais parti avec mon appareil et mon pied. En fait, le pied, je m'en rends compte maintenant, c'était pour deux choses : d'une part pour montrer que je prenais des photographies pour une autre raison que celle de garder souvenir des paysages, des sites ou des personnes. Mais, il me servait aussi à oser prendre la photographie. En fait, le secret est là, s'il y a un secret dans la photographie : oser. Combien de fois dans ma vie j'ai entendu « mais, qu'est-ce que tu prends ? Il n'y a rien à prendre ici. » Un jour, la concierge d'un immeuble a menacé d'appeler la police parce que je prenais en photo la vitrine d'un café fermé pendant l'été. J'ai tenté de lui expliquer ce qui m'intéressait mais elle n'a pas du tout été convaincue. Ce n'était pas encore un appareil numérique que j'utilisais alors et il n'était donc pas possible de lui montrer les images que j'avais prises. Je suis parti en grommelant. Je n'ai jamais développé cette image. Je ne sais pas si j'ai encore le négatif quelque part. Mais, j'étais heureux, car j'avais osé prendre cette image et osé tenir tête à la mégère. Aujourd'hui, il m'arrive de photographier avec mon téléphone mobile. Je devrais dire qu'il m'arrive d'oser photographier avec mon téléphone. C'est un téléphone qui fournit des images de qualité suffisante pour les tirer ensuite. Il n'y a pas de problème avec ça. Mais, je me rends compte que je suis moins protégé. Rien ne me distingue de la quasi totalité des personnes qui m'entourent quand je photographie, qui, toutes ou presque, ont un téléphone avec un appareil photo dans la poche. Il faut donc oser davantage. Si la phrase n'était pas stupide, je pourrais dire qu'il m'a fallu quarante ans pour oser photographier avec un téléphone mobile. C'est stupide, parce qu'il y a quarante ans, il n'y avait pas de téléphones mobiles. Mais, je comprends la démarche des photographes qui ont travaillé avec des Kodak Instamatic ou même des appareils jetables, comme Bernard Plossu, y compris, pour ce dernier, pour des commandes. Aujourd'hui, travailler avec son mobile, c'est un peu comme quand Plossu a commencé à travailler avec ses jetables. Mais je comprends tout aussi bien ceux qui travaillent à la chambre. Ce que je veux dire, c'est que, quel que soit l'appareil, il reste qu'il faut appuyer sur un bouton à un moment ou à un autre et que ce qui caractérise ce moment précis, c'est le moment où on ose.









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4e de couverture






Il y a certainement autant de manières de prendre des photographies qu'il y a de photographes, à en croire la diversité de la production d'images par ce procédé depuis son invention. Alors, qu'est-ce que les photographes disent de la manière dont ils prennent leurs images, que ce soit avec un téléphone mobile ou à la chambre ?
Plusieurs étés sur une période de quinze années, Mathieu Diégèse, écrivain dont on connait le goût pour la photographie, est allé rencontrer les photographes aux Rencontres internationales d'Arles, ainsi qu'à Visa pour l'image à Perpignan. À chacune, à chacun de ces photographes, il a posé la même question : comment prenez-vous les images ? Se dessine de cette suite d'entretiens où l'on croise des noms célèbres et d'autres inconnus, non pas une sorte de manuel de la photographie contemporaine, mais une théorie sensible de l'image photographique à peine infléchie par le numérique.
Le ou la photographe amateur.e sort de cette lecture, non pas en voulant faire la même chose que ces professionnel.le.s, mais en se disant qu'elle aussi, que lui aussi, pourrait réfléchir à sa propre pratique de production d'images... et sans doute en parler avec Mathieu Diégèse lors d'un prochain festival. Nul doute, d'ailleurs, que vous le croiseriez : il en est un des piliers.










17 juillet







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