Diégèse | |||||||||
jeudi 6 juin 2019 | 2019 | ||||||||
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L'Ennemi public | 157 | ||||||||
Noëmie Diégèse | |||||||||
Le
courrier des lecteurs Avant le numérique en ligne interactif, que l'on nomme communément l'internet, il était aussi possible de réagir aux informations publiées dans un support de presse ou diffusées à la télévision ou à la radio. On avait recours au « courrier des lecteurs » ; « lecteurs » pouvant aussi bien sûr devenir « auditeurs » ou « téléspectateurs ». Faut-il préciser qu'il s'agissait aussi de lectrices, d'auditrices et de téléspectatrices et que cela était d'ailleurs souvent précisé. Ces courriers étaient traités par un service spécialisé qui rédigeait des réponses, dont certaines étaient publiées. Quand les journaux ont commencé à être disponibles en ligne, cette pratique du « courrier des lecteurs » a été remplacée par deux pratiques différentes et dans les faits assez disjointes : le commentaire et le blog. Ces deux pratiques ne modifient pas en profondeur les relations entre le producteur de l'information et son destinataire. Les pages de commentaires relèvent de ce qu'il est convenu d'appeler : « le café du commerce », c'est à dire de la possibilité laissée à chacune et à chacun d'avoir une opinion non fondée sur tout et n'importe quoi, et même parfois fondée. Le blog donne la possibilité d'écrire des textes qui peuvent être lus, mais qui, pour beaucoup d'entre eux ne le sont jamais. L'ordre informationnel n'est pas encore bouleversé. C'est bien sûr la montée en puissance des réseaux sociaux qui a transformé ce rapport établi depuis des siècles. Quels en sont les nouveaux paradigmes ? Les échanges sur les réseaux sociaux s'apparentent toujours à ceux du café du commerce, à cela près que la salle est remplie d'habitués réunis à des tables séparées qui parlent entre eux et qui, parfois, quand l'une des tables parle trop fort, interviennent d'une table à une autre. Et c'est alors souvent la bagarre généralisée. Parfois, un consommateur entre par hasard, tente de participer à une conversation et déclenche aussi une bagarre généralisée. Imaginons maintenant que, dans ce café, toute bagarre généralisée entraîne la multiplication des tournées. Le patron du bar aura intérêt à favoriser, sinon à susciter ces bagarres généralisées, car, elles vont lui rapporter de l'argent. Il pourra même aller jusqu'à payer quelqu'un pour provoquer des bagarres... c'est le troll. Mais, dans le café matériel, le patron de bar ne s'amusait pas vraiment à ce petit jeu, car, d'une part la réglementation ne le lui permettait pas et les cafés où il y avait trop de bagarres faisaient souvent l'objet de fermetures administratives ; d'autre part, il pouvait craindre pour sa boutique. Enfin, les bagarres faisaient fuir la clientèle et le gain final était donc incertain. Il n'en est pas de même sur les réseaux sociaux. Le patron du café du commerce numérique affûte des algorithmes qui vont susciter les réactions, car cela lui rapporte de l'argent publicitaire. Les bagarres généralisées vont ainsi attirer une clientèle qui n'aurait jamais pensé à entrer dans le café et cela en toute impunité. C'est ainsi, par exemple, que, récemment, l'auteure de ces lignes, peu suspecte d'entretenir aucun rapport de connivence avec l'extrême-droite, ouvrant son « fil », ne s'est vue proposer que des « publications » diamétralement opposées à ses propres opinions. Certes, certaines étaient « sponsorisées », mais d'autres ne l'étaient point. Pourquoi ? Pour essayer de la conscientiser ? Sans doute pas ! Plutôt pour tenter de susciter de sa part une réaction qui, émettant une opinion contraire serait instantanément attaquée par les multiples trolls toujours à l'affût. Si l'on tentait la métaphore médicale, on pourrait décrire l'espace informationnel interactif numérique comme un organisme vivant dont le système immunitaire est non seulement déréglé, mais foncièrement déréglé. En poussant la métaphore, on imaginerait un organisme avec plusieurs systèmes immunitaires concurrents qui auraient pour objectif, non de préserver cet organisme mais de lui faire produire des sucs venant enrichir un méta organisme situé hors de lui. L'image est monstrueuse. |
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page 157 | |||||||||
Toute la collection | 4e de couverture | ||||||||
On n'a jamais eu
autant
d'amis. On peut en compter des milliers. On ne peut parfois même plus
les compter. Ces amies et ces amis sont publics. Chacun peut savoir qui
est ami avec qui et décider de s'adjoindre comme ami ou comme amie des
amis d'amis. Il s'agit bien sûr des ami.e.s sur les réseaux sociaux. Cependant, si l'on admet, et comment ne l'admettrait-on pas, que l'antonyme d' « ami » est « ennemi », on peut, logiquement, loyalement, se demander ce qu'il en est des « ennemis » et tout particulièrement de « l'ennemi public ». Noëmie Diégèse, dont on connaît la clarté et la perspicacité des analyses, a parcouru les réseaux sociaux à la rencontre de « l'ennemi public ». Ce qu'elle a trouvé est tout à la fois amusant et consternant. C'est aussi terrifiant. Certes, elle a croisé le fléau du harcèlement scolaire, des « trolls » par centaines, mais , elle s'est principalement attachée à l'analyse de la manière dont se construit l'opinion publique, ou la manière dont on l'influence et on la construit. Dans les stratégies déployées partout dans le monde pour agréger les masses, la notion d' « ennemi public » prospère. Les « ennemis » sont partout, de ceux qui font peur à un chaton à ceux qui terrorisent les foules. Certes, la prédiction de Noëmie Diégèse n'est pas très optimiste. C'est qu'aux « ennemis », il faut bien faire la guerre et elle nous promet ainsi une suite qui, logiquement, devrait s'appeler : « La Guerre de tous contre tous » |
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6 juin |
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