Diégèse




lundi 24 juin 2019



2019
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Un long entretien 175



Gustav Diégèse














Nous nous retrouvons comme presque chaque samedi dans un café du Marais. Il est convenu que j'y ai déjeuné et qu'il passe prendre un café avant que nous commencions un tour des galeries d'art contemporain plus ou moins long selon le temps, l'envie, les sollicitations du temps.

« Il y a très peu de questions possibles dès lors qu'on parle d'art. Il n'y a même aucune question possible, sauf si l'on parle avec l'artiste. Alors, on peut lui poser quelques questions sur les conditions de la production de l'œuvre et la temporalité de la production de l'œuvre. Sinon, il n'y a jamais de questions justes à poser. Toutes les questions qui commencent par "qu'est-ce que" sont à bannir. Sauf une, peut-être.
- Laquelle ?
- "Qu'est-ce que tu vois ?" peut être une question possible, parfois. Ou "qu'est-ce que tu entends ?", "qu'est-ce que tu perçois ?" Quand Frank Stella, en 1961, affirme : "ce que vous voyez est ce que vous voyez", il affirme surtout l'inanité de toute question qui lui serait posée sur ses œuvres.
- C'est donc qu'il refuse la littéralité ?
- C'est au contraire qu'il affirme la littéralité de l'art. On peut même penser que toute œuvre d'art est une tentative d'atteindre l'inatteignable qui serait justement la littéralité, c'est à dire le réel. C'est ce que dit Gilles Deleuze, après Bergson, quand il affirme que l'acte de création est irréductible à toute communication, à toute information.
- Pourtant, d'une œuvre d'art, on dit parfois qu'elle est trop littérale.
- Certes, c'est au mieux une facilité de langage, au pire une absurdité. Une œuvre d'art tente désespérément d'atteindre la littéralité, c'est à dire cette sorte de collision ontologique du totem et du tabou. Et cela, depuis toujours.
- Mais, il y a l'abstraction. Mais, il y a le conceptuel. Mais il y a la figuration.
- Ce sont des catégories qui sont de l'ordre de la communication sur l'art, autour de l'art. Ce sont des catégories conversationnelles. Sortons de l'art pour mieux comprendre, et allons vers le sport. Le sport est un immense support de conversations. C'est ce que, très tôt, les médias ont compris. La conversation sur le sport n'a rien à voir avec le sport. C'est ce que sait n'importe quel spectateur d'un match de quoi que ce soit. Tous les mots qu'il mettra après le match sur le match qu'il a vu seront une façon de tenter de canaliser, de juguler même, l'effet de transe que le match aura déclenché. Qu'est-ce que cet effet de transe ? Cela serait le sport.
- Il n'y a donc pas de différence entre le sport et l'art ?
- Si : la morale. Il n'y a aucune morale dans l'art. Il ne peut pas y avoir, quand il y en a toujours une dans le sport. Je sais qu'en disant cela, je résous autoritairement un problème philosophique posé au moins depuis Platon. Mais, admettons que c'est une démonstration par l'absurde. Tout mouvement qui a tenté d'introduire la notion de morale dans l'art a toujours échoué, s'est écrasé sur la littéralité de l'art, sa totale résistance à la morale. Une statue de saint dans une cathédrale ne contribue pas à l'édification des fidèles. Elle témoigne de la présence de l'esprit saint. C'est d'ailleurs, certes confusément, ce que comprennent tous ceux qui, à travers les siècles, détruisent les statues.
- Alors ?
- Je m'amuse à mixer la formule de Stella avec celle popularisée dans les années 2000 à propos des logiciels de fabrication de pages internet : WYSIWYG : "what you see is what you get", ce que les terminologues ont traduit en français par "tel écran tel écrit". En fait, l'art est WYSIWYSIWYG : what you see is what you see is what you get.
- c'est le titre d'un livre ?
- Je vais le déposer. Je ne l'écrirai pas. »









page 175










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4e de couverture






Qu'est-ce qu'une vie ? Des conversations diverses, plus ou moins longues, sur des sujets plus ou moins intéressants et plus ou moins complexes ; quelques conversations conflictuelles et quelques conversations amoureuses ou aimantes... Qu'est-ce qui manque après la mort d'un être cher ? Un sourire, une présence, quelques notes de musique fredonnées parfois, et surtout une conversation.
Gustav Diégèse nous livre sous la forme d'une seule et unique conversation les secrets de sa relation amicale, intellectuelle et artistique avec un philosophe de ses amis qui aimait l'art. On comprend que le défunt a été son professeur de philosophie, mais que c'est l'art qui les a liés. En parcourant ce long entretien, le lecteur assiste et participe au mystère de la transmission. Car, cet ami n'enseigne rien à l'auteur. Il lui parle et il l'écoute, il l'écoute et il lui parle. Et quand une conversation cesse à jamais, demeure l'esprit de cette conversation, et c'est là le sujet de ce livre si émouvant. Car, l'auteur - ou le narrateur, car il s'agit d'une fiction - continue après la mort de son ami de lui parler, comme le font d'ailleurs tous les amis.










24 juin







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