Diégèse | |||||||||
lundi 6 mai 2019 | 2019 | ||||||||
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Solitude dans l'avenir | 126 | ||||||||
Mathieu Diégèse | |||||||||
Je
rencontre Madame C. dans un établissement d'hébergement pour personnes
âgées dépendantes, une de ces maisons mieux connues par leur
acronyme :
EHPAD. Nous sommes
dans le sud de la France. Madame C. a vécu à Paris avec son mari. Quand
ils ont été à la retraite, ils sont allés vivre sur la côte d'azur,
dans le Var. Puis, le mari de Madame C. est mort. Monsieur et Madame C.
n'ont pas d'enfants. Quand les premiers signes de la maladie
d'Alzheimer ont été détectés chez Madame C., pas très longtemps après
la mort de son mari, elle a décidé de réaliser tous ses biens et
d'aller en maison de retraite. Elle a effectué une sélection très
précise, passant chaque établissement à une série de tests selon divers
critères. Elle demandait souvent si elle pouvait séjourner à l'essai
pendant une semaine ou deux, mais, ce n'était jamais possible. Alors,
elle
n'a plus dit que c'était à l'essai et, quelques jours après son
arrivée, elle prenait ses
affaires, signait une décharge et partait. Elle a fait cela deux ou
trois
fois jusqu'à ce que l'assistante sociale lui dise que personne ne
voudrait bientôt l'accueillir, surtout quand la maladie aurait
progressé. Alors, Madame C. s'est tenue tranquille quelques mois, puis,
elle a effectué les formalités d'admission dans cet établissement
où l'on peut apporter quelques meubles et a promis de n'en partir que
« les pieds devant », comme elle dit. Nous avons eu trois entretiens. Lors du troisième, la maladie avait beaucoup progressé et je ne le retranscrirai donc pas ici. Madame
C. : « Vers la
cinquantaine, nous parlions souvent mon mari et moi de la fin de vie.
Sa crainte, c'était de mourir avant moi. C'est une crainte masculine.
Ma crainte était de mourir avant lui. Mais, je disais cela pour lui
faire plaisir. Avec le recul, tous ces propos ne disent rien de la
mort, mais seulement un peu de la vie. Je craignais surtout la
solitude. Mais, la solitude telle que je l'imaginais alors n'a rien à
voir avec celle que je vis aujourd'hui. Depuis, j'ai compris quelque
chose d'essentiel. La solitude est pénible quand elle est une attente.
Quelqu'un qui n'attend personne est seul sans que cela lui pèse. Je le
vois bien. Même ici, alors qu'il n'y a plus rien à attendre sinon la
mort, des résidents passent leur temps à attendre.
Ils attendent une visite de leurs enfants ou de leurs petits-enfants.
Ils attendent l'heure du repas ou que ce soit l'heure de l'émission de
télévision qu'ils ne veulent pas manquer. Ceux-là, qui attendent, sont
très seuls et
l'attente est à la fois ce qui les maintient en vie et ce qui les tue
peu à peu. Moi, je n'attends personne. Et je n'attends rien non plus.
En un sens, la maladie m'aide à ne
vraiment rien attendre en me débarrassant de ma mémoire. »
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page 126 | |||||||||
Toute la collection | 4e de couverture | ||||||||
Qu'est-ce
que l'avenir ? Est-il possible de penser l'avenir autrement que par un récit ? N'y aurait-il jamais que des récits d'avenir ? Telles sont les questions que pose l'écrivain et philosophe Mathieu Diégèse. Mais il choisit pour cela une méthode prisée par les philosophes depuis l'Antiquité : la conversation. Mathieu Diégèse nous livre donc une douzaine de conversations sur l'avenir avec des personnes. Il connaît bien certaines d'entre-elles ; d'autres moins, voire pas du tout. De ces conversations, il tente d'extraire des schèmes, et celui qui revient immanquablement, c'est la solitude. Ainsi, tous les récits qui peuplent l'avenir n'auraient qu'un objectif, qu'un motif, celui d'occulter la solitude. Est-il possible de penser l'avenir autrement qu'en le peuplant pour apaiser une angoisse qui, pourtant, ne sera jamais apaisée ? Rien n'est moins certain, mais c'est bien ce défi que lance Mathieu Diégèse et lire ce livre, c'est aussi se le lancer, dans une conversation passionnante avec l'auteur. |
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6 mai |
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