Diégèse | |||||||||
dimanche 3 mars 2019 | 2019 | ||||||||
ce travail est commencé depuis 7002 jours (2 x 32 x 389 jours) | et son
auteur est en vie
depuis 21455
jours (5 x 7 x 613 jours) |
||||||||
ce qui représente 32,6357% de la vie de l'auteur | trois mille soixante-cinq semaines de vie | ||||||||
hier |
L'atelier du texte | demain | |||||||
Bric-à-brac | 62 | ||||||||
Mathieu Diégèse | |||||||||
![]() |
S'il
est admis depuis Aristote que le principe de non-contradiction est
une nécessité absolue pour construire et surtout vivre la réalité,
renvoyant dès lors vers une insanité celles et ceux qui y dérogent,
Freud et Lacan, au moins, mais d'autres encore telle Mélanie Klein, ont
montré que l'inconscient ne s'embarrassait pas de ce principe binaire
et en manifestait le caractère inopérant par des lapsus ou des rêves
semblant ensuite
étranges à la personne éveillée. Étranges et même étrangement étranges,
pourrait-on écrire. Ce principe de non-contradiction, et Freud encore
en fait cas, semble subsumé par l'infernale dyade :
« là / pas là. »
C'est bien dans « Au-delà du Principe de plaisir » qu'en 1920
Freud
narre comment l'observation d'un enfant de dix-huit mois qui envoyait
par jeu loin de lui ce qui lui tombait sous la main le fit douter que
toute motivation du désir fût articulée avec le plaisir, au moins avec
un plaisir direct. Si le plaisir et par conséquent le désir renvoient
en même temps au « là » et au « pas là » dès
la prime enfance, cette
dyade-là va vite s'essentialiser, perdant son caractère strictement
déictique dans une autre terrifiante et nécessairement traumatique qui
sera « vivant / mort. » Et l'on va donc dans la vie
en admettant que
ce qui est mort ne peut pas être vivant et que ce qui est vivant n'est
pas mort. Pour autant, très vite, la proposition précédente est
infléchie et l'on apprend souvent à ses dépends que ce qui est vivant
n'est surtout pas
encore mort. Et il faut alors le travail d'une foi appuyée
sur une
doctrine et des rites pour admettre dans un doute pourtant toujours
renouvelé que ce qui est mort n'est pas encore vivant, mais le sera...
le jour de la fin des temps. C'est alors en christianisme la
résurrection des
corps. À bien y penser, les textes chrétiens montrent clairement que « résurrection » est une facilité de langage, car, cette résurrection est qualifiée à chaque messe de « vie véritable, » renvoyant ce qu'il est convenu d'appeler la vie vers quelque chose qui serait la vie sans être la vie. On peut ainsi proposer que le christianisme est l'exemple même d'une abolition consciente du principe de non-contradiction condensée dans la position proposée au croyant, à la croyante, qui serait en même temps, d'être sauvé.e et pas encore sauvé.e. Mais, la fiction littéraire puis cinématographique ne cessent évidemment aussi de jouer avec ce principe de non-contradiction en démontrant par l'expérience qu'il s'agit bien d'une aporie et abreuvent l'imagination qui les accueille en même temps avec dégoût et joie de morts-vivants, revenants, fantômes et autres zombies. Le frisson d'horreur fasciné ressenti semble bien être celui de l'abolissement de ce principe pseudo fondateur. Car, ici aussi, en même temps, ce que je lis, ce que je vois, est vrai et pas vrai. Pourquoi donc ai-je peur à pouvoir en hurler dans cette salle obscure puisque je sais pertinemment que ce que je vois et ce que j'entends est une fiction ? Ainsi, alors que nous croyons notre vie solidement fondée sur le principe de non-contradiction qui nous a été vendu comme le seul principe opérationnel possible et sain, nous vivons quotidiennement, et même multi-quotidiennement sur un autre principe que nous appellerons ici « le principe de non-non-contradiction. » Il est temps maintenant d'arrêter cette lecture quelques instants pour rechercher en vous, chère lectrice, cher lecteur, ce principe que l'auteur éprouve en vous écrivant, puisque il vous écrit à vous qui n'êtes ni là ni pas là, ni mort.e. ni vivant.e. |
||||||||
page 62 | |||||||||
Toute la collection | 4e de couverture | ||||||||
Freud l'a
magnifiquement
décrit : si l'on pouvait fouiller l'inconscient à la manière d'un
archéologue, le matériel de fouille que l'on en tirerait serait un
inextricable bric-à-brac, rendu d'autant plus insondable que le temps,
les époques, la chronologie... y seraient abolis. Pourtant, ce matériel
de fouille qui apparaît comme donné,
donc comme objet, n'est ni donné, ni objet.
Il est lui-même composition bricolée, témoin d'une activité certaine,
mais, qui nous est devenue incertaine. En effet, plusieurs principes
fondateurs de la pensée aristotélicienne y sont abolis, et notamment,
l'axiome dévastateur pour nos sociétés modernes qu'est le principe de non contradiction. On le sait, l'inconscient bricologique
n'obéit pas à cet antique axiome. Mais alors, à quels principes
obéit-il ? Quel que soit le bric-à-brac que l'on découvre dans une
grange, un grenier, une cave, ou même dans une décharge, il est
toujours la trace d'un hasard et d'une intention conjugués. Mathieu Diégèse, philosophe qui fut un temps psychanalyste avant de renoncer à la clinique, reprend cette métaphore de Freud, déjà si productive, pour, en quelque sorte, la redoubler. L'auteur nous entraîne sur des voies métaphysiques qui pour être complexes n'en sont pas moins passionnantes. Il faut se laisser aller à la lecture d'un texte qui semble parfois oublier son lecteur pour mieux le retrouver soudainement à la stupeur de la découverte. |
|||||||||
3 mars |
|||||||||
2009 | 2008 | 2007 | 2006 | 2005 | 2004 | 2003 | 2002 | 2001 | 2000 |
2018 |
2017 |
2016 |
2015 |
2014 |
2013 |
2012 |
2011 |
2010 |