Mais, il y a encore une autre dimension dans cet énoncé, dimension qui relève quant à elle de la performation, comme l'a si bien montré John Langshaw Austin dans ses conférences rassemblées après sa mort dans le célèbre ouvrage « Quand dire c'est faire. » Avec Austin, et un peu sans lui aussi, je peux prétendre que tout énoncé est performatif. Certes, cela est évident quand le maire prononce le fatidique « je vous déclare mari et femme » et que, dès lors, les deux personnes peuvent se revendiquer mariées ; mais que ce caractère performatif est tout autant présent quand je lance : « je crois que les clés sont dans le placard. » Si les clés sont bien dans le placard, tout agit comme si c'était ma parole et la valeur que je lui ai donnée qui ont fait apparaître ces fameuses clés, l'instant d'avant perdues dans l'immensité des possibilités non réalisées.
Cette petite phrase de rien du tout qui concerne des clés qui auraient tout aussi bien pu être sur la commode ou sous le lit, sinon perdues à jamais, met en évidence deux caractères importants du langage que nous pourrons étudier davantage : énoncer, c'est toujours délibérer ; dire le réel relève de la magie. On ajoutera que toute magie réussit parfois, mais que le plus souvent, elle rate.
Daniel Diégèse, philosophe inspiré, propose dans ce petit texte une exploration métaphysique de l'espoir et de l'espérance. Il ne pouvait d'ailleurs pas trouver meilleur titre que ce vers d'Aragon qui, on s'en souvient, se continue par cette affirmation, qui est aussi une croyance, de notre humanité commune : je le connais ce sentiment / j'y crois aussi moi par moment / (...) Ah ! je suis bien votre semblable / Ah je suis bien pareil à vous.
Car, en effet, Daniel Diégèse veut démontrer que l'acte individuel de croire en quelque chose, en quelqu'un, ou même en un dieu, est toujours un acte qui est, à la fois, individuel et collectif. La croyance s'adresse toujours à l'autre s'établit toujours dans une volonté de partage de cette croyance avec autrui ; ce, depuis la prime enfance, évidemment, quand les parents vont participer à l'émergence des croyances.
Daniel Diégèse parcourt donc avec bonheur la philosophie occidentale, dans ses moindres recoins, pour étayer sa thèse, et propose au lecteur de prendre position et de passer au crible ses propres croyances, même quand il s'agit de croire que le printemps va revenir.