Diégèse




mercredi 27 mars 2019



2019
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L'atelier du texte demain










Mais il y a la lumière 86



Mathieu Diégèse














Je suis encore une fois descendu à l'hôtel Magnolia au sud de Vieste. Je pourrais tout aussi bien écrire que cet hôtel est au milieu des oliveraies, à l'écart de la côte, ou qu'il est nulle part. Je l'ai choisi lors de mon premier séjour dans le Gargano car, sa tourelle à gauche de la façade, son badigeon blanc et son pignon de façade triangulaire m'avaient évoqué Zorro. Je m'attendais ainsi à voir apparaître Don  Diego de la Vega avec sa moustache de rappeur au premier ou au second balcon et cette idée me plaisait. L'autre raison de ce choix avait été cette incongruité que les voitures se garent juste au bord de la piscine, comme si elles allaient, le soir venu, boire l'eau bleue imbécile. J'y suis venu plusieurs fois, si bien que j'y ai mes habitudes, comme celle de rejoindre la mer en traversant les oliveraies, évitant les propriétés privées et le lycée scientifique.

J'arrive alors au Lido Arizona, prolongeant ainsi ma rêverie mexicano américaine. C'est aussi un camping. Une fois sur la plage, je remonte vers Vieste et sa candelle de craie, canine surmontée d'un toupet d'arbustes solitaires et chétifs. Je n'ai jamais pu regarder ces arbres perchés sans m'imaginer que j'étais l'un de ceux-ci. Rien de métaphorique dans cette évocation, car, quand je rêve que je suis ces arbres, je le rêve vraiment et je suis à jamais au vent de l'Adriatique, me contentant du peu de sédiment déposé, ne me demandant rien, et surtout pas si je vais survivre à la prochaine tempête.


Il y a quelques années, je m'étais mis en tête que je resterais à Vieste aussi longtemps que je n'aurai pas vu de trombe. C'est la photographie d'une trombe au large de Vieste prise en 1999 qui m'avait donné cette envie. Ces trombes viennent habituellement en juin, ce qui est un mois agréable ici, qui précède l'affluence estivale. Je n'ai jamais trouvé la possibilité de passer tout le mois de juin à Vieste sur la plage de l'Arizona. J'ai ainsi manqué les trombes impressionnantes de juin 2013, mais aussi celle d'août 2015, et encore celles du mois de février. J'aurais alors pu passer toute l'année à Vieste pour voir une trombe. Mais, j'ai manqué toutes les trombes marines visibles depuis la plage.

Pourtant, à mieux y réfléchir, c'est une bien curieuse manière de penser. Car, qu'ai-je manqué ? Je n'ai rien manqué du tout. On ne manque d'ailleurs jamais rien et rien ne devrait, en conséquence, non plus, nous manquer.  Pourquoi s'infliger depuis l'enfance ce  tourment qu'il faudrait pouvoir et avoir pu être ailleurs que là où l'on est, où l'on a été, vivre autre chose que ce que l'on vit, que ce que l'on a vécu ? Je regarde la photographie de 1999. Je trouve ridicule de l'avoir gardée. Elle ne montre plus rien puisqu'elle ne peut plus montrer que je n'étais pas là.










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4e de couverture



Que faire lorsqu'il ne reste que quelques jours ? Quelques jours de vacances ou quelques jours de vie... l'équation est-elle vraiment différente ? C'est que le temps qui reste, quoi qu'il en soit, est à la fois compté et parcelle d'éternité. Certes, le ressort littéraire n'est pas nouveau, mais Mathieu Diégèse, qui nous conduit encore une fois en Italie, à Vieste exactement, renouvelle le genre. Aucune crainte, aucune nostalgie dans ces quelques jours dans les Pouilles qui, pour le narrateur, doivent être les derniers, rien que la conscience accrue de la vie et de l'universalité de la vie. C'est le printemps. Il guette avec espoir la mer dans l'attente d'une tornade.
« Je regarde la mer agitée, un peu. Parfois, sur la mer, la poésie et le printemps se rencontrent. Derrière moi, loin de la lumière forte qui aveugle, les genêts perdent leur couleur dans le soir de brume. Alors, il faut écrire le texte. Mais que sais-je aujourd'hui de ton nom ? »
Ce récit est un voyage en humanité. Il invite, doucement, à considérer autrement notre condition commune, à plonger profondément dans le mystère qui allie dans notre enveloppe charnelle si fragile la mort et une étincelle d'éternité.










27 mars







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