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à date
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Nous
étions dans la douceur du soir, dans la douceur, dans la tendresse
des mots, dans la tendresse, dans l'idée de partir loin, dans le
désir de partir ensemble peut-être, quand tout cela sera terminé,
quand nous serons vieux.
Je ne sais plus très
bien ce que nous avons vu, de quel spectacle il s'agissait, avec qui,
comment,
pourquoi.
Je
me souviens de notre marche dans une ville glacée qui voulait
ce soir-là ressembler à Londres, aux grands froids de
la
ville, aux grands froids de ma vie.
Quand toute la mer des songes,
quand toute la mer, quand je viendrai vers toi, qui ne me reconnaîtras
plus, que ce sera le temps de la préparation qu'il faudra venir
avec moi, accompagner
cela. Que se passera-t-il ? Où seras-tu ? |
Je
n'entendais plus que
mes pleurs et ta voix qui répétait mes anciens mots, ces
mots que je te donnais à l'occasion de tes soirs de détresse,
à l'occasion, quand tu pleurais toi aussi, dans la douceur des yeux.
Nous étions allés
au spectacle, où des performeurs talentueux livraient leurs parodies
au hasard de vrais dés, au vrai hasard et à une esthétique
de la répétition.
Il y
avait le ciel et la
demi-lune me regardait quand je revenais vers l'appartement, quand
je revenais
loin de toi, tendu
dans
le froid des hivers qui commencent.
Il
y avait ce soir des impressions de jamais plus et des fleurs qui
retombent
sur des pleurs. Il n'y avait pas de musique, il n'y avait que toi,
et ta voix qui s'éteignait. |
à date |
C'est
vraiment toi dont
il s'agissait, avec la belle idée de t'accompagner
ailleurs, de m'accompagner dans un voyage indéfini, qui ne se dirait
pas, qui s'inventerait au fil de tous les jours de toi et de moi, qui
marquerait
que tu es proche, que tu vas encore t'approcher davantage. Je
ne lis dans ce texte que la solitude grandissante, des marches désolées
dans le froid qui vient, des spectacles expérimentaux dont la
moindre image tremblée peine désormais à s'imposer
un peu, quelques instants, dans ma
mémoire qui me désole. |
C'était
le soir, je t'attendais. J'avais en mémoire des
jours et des jours
d'angoisse et je n'avais plus que ce retentissement, cette absence de
cause.
Tu viendrais, nous
serions un peu là avant de partir, devisant,
conversation lente qui peinerait à s'imposer, avec le silence qui
gagne. Dans
tous les interstices de ce temps de pause, je
serais en orient, dans le jardin de Bagdad ou sur la terrasse d'Alep et
tu n'en saurais rien. |
à date |
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Il
m'arrive d'être désorienté, alors, je regarde et je range le paysage et
les
arbres un à un dans une esthétique
de la répétition et l'orientation me revient. Je dois alors me
reposer et ce repos serait
alors le temps de l'entracte, dans le cours de la
représentation. Je me souviens, je joue le jeu du souvenir. Il y avait le ciel et
la
demi-lune me regardait et tu me cherchais en
Sicile. Nous
serions un peu là avant de partir, devisant,
conversation lente qui peinerait à s'imposer. Tu me semblais alors
avoir du bon sens mais il est vrai que nous ne trouvons guère
de gens de bon sens, que ceux qui sont de notre avis, comme
pourrait dire La Rochefoucauld. C'est un souvenir et c'est
déjà
un souvenir de demain car demain est toujours un souvenir inventé.
Il faut bien inventer des souvenirs puisque l'on ne peut pas revenir
en arrière ni même accélérer le temps. Nous jouons le rôle du
présent sans jamais
être certain
d'être parfaitement et en permanence dans notre rôle. Le jugement
est laissé aux autres,
toujours. |
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