Diégèse




samedi 26 octobre 2019



2019
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Notre Compréhension 299



Gustav Diégèse














Il faudrait donc pouvoir analyser précisément la figure sémantique du « Nous vous remercions de votre compréhension. » Celle ou celui que l'on remercie de cette façon comprend parfaitement ce qu'une panne de signalisation peut signifier, et même ce que l'on appelle pudiquement et par euphémisme : « un accident voyageur », ce qui est l'annonce d'un suicide sur la ligne. Mais pourquoi faudrait-il le ou la remercier de comprendre cela ? Nous ne sommes pas à l'école et l'école est à peu près le seul endroit où le fait de comprendre est récompensé. Dans les situations de la vie courante, comprendre les messages de l'institution est une injonction, pas une faculté optionnelle. Quand la police intime l'ordre de s'allonger sur le sol les mains sur la nuque, elle ne remercie pas le prévenu de sa compréhension.

Alors, de quoi s'agit-il ? C'est qu'il est moins question ici de comprendre que de compatir. Que nous apprend le dictionnaire ? Il s'agirait du troisième sens du terme « compréhension » : « bienveillance, bonté, largeur d'idées, libéralité, mansuétude, pitié, souplesse tolérance » C'est déjà plus clair. La voix dans le haut-parleur nous demande donc moins de comprendre, en faisant appel à notre intelligence, que de mobiliser notre bienveillance et fait donc appel à notre sens moral. Il est quand même curieux, on en conviendra, que la SNCF ou la RATP fassent appel à notre sens moral quand l'une ou l'autre de ces entreprises n'est pas en capacité de fournir le service pour lequel on a acheté un ticket ou un abonnement.

Qu'y aurait-il donc derrière cette « compréhension  » que l'on nous demande ? C'est assez simple : être partie prenante du service public. Ce qui est en jeu, c'est notre citoyenneté. En effet l'entreprise pourrait se contenter d'excuses, mais elle va bien au-delà en demandant à l'usager de bien vouloir comprendre, c'est à dire de faire preuve de sympathie sinon d'empathie.

La prochaine fois vous serez coincé.e sur le quai d'un métro ou d'une gare, ou dans un train arrêté en pleine voix, faites preuve de compréhension et restez calme. Cette entreprise vous appartient aussi, vous assure la voix dans le haut-parleur.









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4e de couverture






« C'est le grand jour ! Vous ne pouvez pas arriver en retard. Ce n'est pas du tout possible. C'est votre vie qui se joue là ! Tout au moins vous le croyez. On a tout fait pour vous en persuader. C'est une chance à saisir. Il ne faut pas la manquer. Vous avez tout prévu. Vous n'avez rien laissé au hasard. Ou plutôt, c'est ce que vous croyez. Il ne vous reste plus qu'à prendre le train. Vingt-cinq kilomètres, vous n'alliez quand même pas partir la veille ! Rien n'aurait pu justifier une telle dépense. Et d'ailleurs, il n'y a pas d'hôtel. Et vous arrivez à la gare. Vous attendez, mais le train n'arrive pas. Il y a cinq minutes de retard. Puis dix. Puis vingt. Mais, à chaque annonce à l'attention des voyageurs, la voie humaine synthétisée vous remercie de votre compréhension. Votre angoisse et votre colère font que vous ne vous demandez même pas de quelle compréhension il s'agit. Vous ne comprenez plus rien. »

Gustav Diégèse explore les situations quotidiennes de communication en débusquant sans concession ce qu'elles ont d'absurde et d'artificiel. Depuis que le marketing a décidé d'être plus orienté vers le client, ces adresses souvent imbéciles se multiplient. Attention, ce livre est dangereux ! Vous vous en souviendrez tous les jours... ou presque.










26 octobre







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