Diégèse




dimanche premier septembre 2019



2019
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Petit Monde 244



Daniel Diégèse














Les citations

Les discours municipaux, notamment pour exprimer les vœux du maire à la population, comportent presque toujours des citations. C'est un passage obligé et ce n'est pas récent. C'en est un aussi pour les discours ministériels. Nous sommes donc face à une forme de trope du discours républicain, une figure de style. A contrario, l'absence de citation dans un discours doit aussi être remarqué. Par exemple, le discours de vœux aux Françaises et aux Français du Président de la République le 31 décembre 2018 n'en comporte pas.

Tout d'abord, qui est cité ? Il serait difficile, mais aussi inutile, de déterminer quels sont les auteurs qui arrivent en tête du palmarès des citations de nos édiles. Ainsi, le maire d'une commune de Haute-Garonne pourra-t-il sans encombre citer dans le même discours Nelson Mandela et Henry Ford. Tel autre, va citer Emmanuel Kant et cet autre, encore Tolstoï. Peu importe l'auteur, tant que son nom est connu et qu'il est admis qu'il fait référence d'une manière ou d'une autre et que la phrase citée semble profonde. On remarquera cependant que ces auteurs sont rarement des auteures. La pratique de la citation par nos édiles est virile. Eux-mêmes, le plus souvent, dont d'ailleurs des hommes.
D'où viennent ces citations ? Elles ont une source commune : les recueils de citations en ligne, parfois propulsés par la presse quotidienne. Le Monde, Le Figaro, Le Parisien, pour ne citer que ces titres. Peu importe, leurs pages spécialisées sont construites à partir d'une base de données fournie par un prestataire.
S'il fallait se convaincre de la diversité des auteurs, la page de citations proposée par Ouest-France, peut juxtaposer sans vergogne Yves Duteil, Paul Guth, l'abbé Pierre, Lao-Tseu et Aristote en passant par Victor Hugo et un internaute anonyme. Car, peu importe en fait l'auteur, et personne n'ira d'ailleurs jamais vérifier l'authenticité de la citation. Ce serait difficile puisque le titre de l'œuvre n'est pas ou rarement cité, encore moins la référence exacte telle qu'elle est exigée pour un travail universitaire et qu'une recherche par les moteurs de recherche fait aboutir... aux dictionnaires de citations. Mais pourquoi la presse a-t-elle développé des pages consacrées aux citations ? Il s'agit tout simplement de supports publicitaires. En effet, la pratique des réseaux sociaux entraîne une sur-consommation de l'aphorisme, en vue de susciter des réactions sous la forme de petits cœurs ou de pouces levés en l'air et des commentaires qui seront peu ou prou des variantes d'un slogan publicitaire célèbre dans les années 1970 : « ça, c'est vrai, ça ! » (Il s'agit, pour les plus jeunes, de publicités pour des machines à laver de marque Vedette faisant apparaître une lavandière qui deviendra célèbre sous le nom de « La Mère Denis »).

Sous son dehors sympathique, la citation de banque de données de citations, devant servir à caser de la publicité, est d'abord une citation qui a pour fonction de rappeler la doxa, l'opinion commune, les bons sentiments, une morale de bazar, et ce, même quand l'auteur cité ne saurait être accusé d'en faire le commerce.

Ainsi, on doit constater une modification importante du rôle de la citation dans le discours des édiles. Là où, de manière parfois touchante de candeur, elle devait participer à la légitimation culturelle des élus, tout en conservant ce rôle, elle permet aussi de se référer à l'univers des réseaux sociaux et donc à susciter une forme subliminale d'adhésion par un « like ». La citation est désormais devenue une forme de coupure publicitaire dans le discours.









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Toute la collection


4e de couverture






Il y a les gros titres des quotidiens nationaux, des magazines hebdomadaires. Il y a les rentrées politiques tonitruantes à coup d'ascensions de collines plus ou moins hautes et de références vaguement philosophiques. Et puis, il y a la vie politique locale, quotidienne, faite d'inaugurations, d'annonces, de célébrations, de souvenirs éternels. C'est à cette dernière que le linguiste Daniel Diégèse s'est intéressé en recueillant dans toute la France, y compris dans les départements et les territoires d'outre-mer, les discours des édiles prononcés en diverses occasions, dont toutes ne font même pas un encart dans la presse quotidienne locale. Tous ces textes et ces enregistrements, constitués en corpus de référence, font l'objet dans ce livre d'une analyse tout aussi rigoureuse que savoureuse. Le chapitre consacré aux lapsus de nos édiles est évidemment particulièrement savoureux. Mais, Daniel Diégèse, ne se contente pas de les pointer, il en analyse aussi la production, les dessous, les raisons. Ce livre dit donc beaucoup sur l'imaginaire qui gouverne les territoires, imaginaire politique du volontarisme velléitaire traduit dans des textes souvent écrits par des collaborateurs zélés mais sans talent, servis par du personnel politique bredouillant.










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