Diégèse | |||||||||
lundi 2 septembre 2019 | 2019 | ||||||||
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Juste un peu pathétique | 245 | ||||||||
Noëmie Diégèse | |||||||||
Ainsi,
le terme « pathétique » apparaît bien comme un marqueur
important de la
place qu'une société donne ou laisse à la représentation des émotions
et à leur expression. Nous retiendrons donc, pour clore ce petit
essai
très incomplet, que la réflexion sur ce terme doit s'effectuer dans le
champ de l'étude des représentations
et non dans celui de la
psychologie sociale.
La lecture des auteurs français du dix-neuvième siècle, marqués par le
romantisme, montre, si cela était encore nécessaire, que, quel que soit
l'effet littéraire recherché, ils ne dédaignent pas l'usage de
la preuve par le pathétique. Les personnages suent sang et eau pour
émouvoir le lecteur jusqu'aux larmes et jamais le pathétique n'est
alors utilisé de manière péjorative. Ce sont les vagues de souffrance
que le
vingtième siècle a connues qui ont conduit peu à peu les forces au
pouvoir,
qu'elles soient politiques, économiques ou religieuses et aussi
artistiques, à se méfier,
puis à condamner une expression et une représentation trop
démonstrative de la douleur. On a tué la lamentation dans les premières
années du siècle dernier. Il fallait étouffer les clameurs des
boucheries successives des guerres capitalistes. Elles étaient trop
assourdissantes. Peu à peu, la représentation de la souffrance est apparue comme de mauvais goût et l'on sait que les classes dominantes aiment à déclarer comme étant de mauvais goût ce qui les dérange. La douleur muette et figée sera donc préférée à une douleur exubérante. C'est aussi qu'il faut se démarquer des peuples colonisés qui ont souvent le deuil bruyant et agité. Le parangon du bon goût est devenu la veuve anglo-saxonne, blanche et calviniste, immobile au bord du caveau, laissant les pleurs et les cris aux rastaquouères. De nos jours, la peine collective se manifestera par d'incessantes « marches blanches » dont les commentateurs diront qu'elles ont été dignes quand elles n'auront pas été le théâtre de débordements... pathétiques. La réhabilitation du terme « pathétique », sans préjuger des formes artistiques que cela pourrait prendre, nous apparaît donc comme une nécessité urgente. La libre représentation de la peine et de la douleur ne peut être, nous en sommes persuadé.e.s, que facteur d'une plus grande justice sociale. |
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page 245 | |||||||||
Toute la collection | 4e de couverture | ||||||||
La linguiste Noëmie Diégèse s'intéresse dans ce livre au sort fait par l'usage au terme « pathétique ». Elle se pose une question simple : comment un terme jadis aussi positif que l'est demeuré « sympathique » a pris peu à peu une connotation négative qui fait que l'on ne parlera de « pathétique » que de manière négative. En effet, si le terme signifie, si l'on en croit le dictionnaire : « qui émeut vivement et profondément, notamment par le spectacle ou l'évocation de la souffrance », il est surtout employé pour signifier le léger mépris que provoque quelqu'un qui met sa souffrance, ou même seulement son émotion en spectacle. Ainsi, d'un ministre qui démissionne à la radio, lira-t-on tout aussi bien qu'il est digne et droit, quand on le trouvera quant à soi tout à fait « pathétique ». Noëmie Diégèse est donc allée à la recherche historique de ce terme, dans les discours politique, dans les articles de journaux, puis dans les émissions radiodiffusées et même télédiffusées. Elle en déduit, de manière intéressante, que c'est la marchandisation de l'émotion qui, peu à peu, à fait du « pathétique » une sorte d'antiphrase. Plus on fait commerce de l'émotion, plus on dénonce cette même émotion, dans un mouvement particulièrement trompeur. Voici un excellent ouvrage qui permet de décoder les pratiques manipulatoires des médias et des réseaux sociaux, qui sont aux médias ce que les caisses automatiques sont au supermarché. | |||||||||
2 septembre | |||||||||
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