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C'est la fin de semaine, je suis à Marina di
Ascea et je me dirige vers Paris, je retourne vers l'amitié pour
les fêtes de fin d'année. Il n'y a plus que quelques jours avant le
solstice d'hiver, il n'y a plus
que quelques jours avant
que la nuit soit vraiment longue. Chaque solstice dit cette même
chose, qui est la
proximité de la
vie, comme la proximité de la mort. La
mémoire est déjà très sombre à mesure
que le solstice approche et ressemble à un fatras d'images et de
mots qui déjoue l'écriture en permanence. Qu'est-ce
qui s'absente désormais dans cette écriture sans cesse recommencée
au point que je ne
fais plus que cela, toujours écrire sans jamais écrire ? Est-ce que
je vais me
promener le long de l'Italie, encore longtemps sans autres outils
que mon imaginaire fatigué par mon imagination ? Après leur avoir
posé un ultimatum,
j'ai entrepris avec les personnages une forme de conciliation. J'ai
vraiment
pris avec eux un peu de distance et j'ai l'impression que
c'est maintenant qu'ils commencent à exister parce que je ne me
soucie plus vraiment d'eux.
Mais, je ne peux pas être
à Marina di Ascea et ne rien en dire. La station balnéaire a
visiblement été gagnée sur des vergers et l'on imagine encore assez
bien cette côte de la province de Salerne, avec une seule mauvaise maison de
parpaings et au
loin, un bosquet comme une hutte habitée par une sorcière. Les
vergers ont été lotis et il est divertissant de voir comment les
maisons, toutes semblables lors de leur construction, ont été
personnalisées, augmentées parfois d'un étage entier qui a commencé par
une terrasse couverte qui s'est solidifiée au fil du temps. On
oublierait presque la proximité d'Ascea, l'antique Élée, la ville de
Parménide et celle de Zénon d'Élée, l'inventeur de la dialectique. On trouve d'ailleurs à Ascea un
Musée du paradoxe créé en son honneur.
Je reviens à l'hôtel, rasséréné par cette station balnéaire modeste,
sans vraiment de grâce. Peut-être qu'il suffit de cela, d'un
peu de banalité, pour pouvoir écrire. C'est peut-être cela le
secret paradoxe d'Élée. |
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