Antony
est une sous-préfecture récente issue de ces arrondissements créés en
janvier 1968 lors du découpage de l'ancien département de la
Seine-et-Oise. Ici, j'ai décidé de faire un reportage
en interrogeant les agents d'accueil, ceux qui, bon gré mal gré, sont
les premiers interlocuteurs de celles et de ceux qui viennent
rencontrer l'État. C'est un des avantages d'être un vieux monsieur, on
ne suscite ni méfiance, ni agressivité et avec un sourire, on peut recueillir des confidences. Ces gardiens m'ont avoué, tous, qu'ils devaient faire face au quotidien à un océan de rancœur, dont la vague grandit. Un des gardiens m'a dit qu'il était là depuis trois ans et qu'il cherchait à être nommé à Paris. Il m'a livré quelques anecdotes. Ainsi, il a assisté un jour à un coup de foudre dans la file d'attente et il était tout à la joie d'avoir vu naître une histoire d'amour. Parfois, on lui apporte un café, surtout les étrangers qui espère que cela pourra les aider à régulariser leur situation. On lui propose même parfois une récompense si le dossier aboutit. Mais, le plus souvent, la journée est marquée par les rendez-vous manqués, ce qui suscite parfois un désespoir qui peut tourner à l'agressivité. Et puis, on sait bien que tout ce qui se répète est fastidieux. Toute la misère qui afflue vers eux, toutes ces personnes dans de pauvres vêtements de pauvres qui considèrent qu'il n'y a rien de plus important que d'accéder à un guichet, tout cela, avec le temps, atteint leur imaginaire. Ces gardiens sont des êtres réels et sont donc sensibles. J'avais jadis essayé de créer des formations permettant de mieux les accompagner, mais, je n'y suis jamais arrivé.
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