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J'ai brièvement pris le rôle d'iconographe du printemps, des printemps du passé, fouillant dans les archives numériques. Et puis, est venue cette photographie,
qui était celle d'un moment de joie, qui d'évidence ne reviendra pas,
provoquant tant et tant d'émotions diverses que j'ai arrêté, préférant
encore aller affronter le présent dans la grande ville. Dans le
quartier du Panier se jouait une scène provençale animée de joueurs de
pétanque d'une telle ferveur dans leur jeu qu'on aurait pu la croire inventée par l'Office de tourisme de
la ville.
Je suis donc allé voir cette exposition de jeunes artistes et suis ressorti sans prononcer un seul mot. Je ne pouvais pas être aussi impoli et leur asséner qu'on n'est pas certain après cela de vouloir en savoir davantage. Certes, Marguerite Duras dit que derrière toute écriture, et par là, toute création, il y a un procès. C'est ce procès qui conduit l'artiste à transgresser. Pour
autant, toutes les transgressions ne se valent pas. Il faudrait parfois que Barthes, citant Blanchot, leur rappelle aussi que « tout art tire son origine d'un défaut exceptionnel, toute œuvre est
la mise en œuvre de ce défaut d'origine d'où nous viennent l'approche
menacée de la plénitude et une lumière nouvelle. » Cela conduit directement à la fragilité de la création et cette idée de fragilité de l'ordre de la révélation. Il doit bien s'agir d'une révélation et d'une révélation difficile exprimée dans une langue universelle. Il ne s'agit donc pas d'aller se parquer dans une des sociétés de la ville et de prétendre sur le cartel que ce serait une sculpture. Parfois oui. Parfois non et parfois rien. Il faut admettre cela parfois, que la quête de la cause, troublée dans le trouble des effets,
est parfois pire que la peur du vide terrible, de la néantisation
du monde et de la pensée tout entière.
Je vais rentrer bientôt à Paris oubliant ce que je devais
oublier. Je n'aurai pas rempli ma mission mais il n'était sans doute pas
possible de la remplir. Cela fait plus d'une semaine maintenant que ma décision est prise. C'est ainsi. Nous vivons ensemble nos vies voyageuses de personnages voyageurs
depuis si longtemps que rien, hors du texte, ne pourrait vraiment
m'étonner, me surprendre ou m'inquiéter. Puis, nous partons. Je crois me souvenir que l'on mesure le temps mais là n'est pas la question. Il faut juste se déterminer sur un mouvement.
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