J'ai
recommencé à marcher la nuit, ou bien alors le soir et à chaque fois je
vais à la rencontre de cette
pierre sur le chemin, qui est toujours là, même le soir, même la
nuit, même sous la pluie. Un soir, j'ai cru qu'elle avait disparu, mais c'était le soir,
encore, qui était à la peine. On ne saura jamais
vraiment combien de personnes l'auront vue, cette pierre blanche
sur le chemin et de retour à la maison, c'est cette blancheur qui
me frappe désormais.
Je pourrais prendre la pierre avec moi. Elle n'est pas si lourde ni
volumineuse. Mais, je ne pourrais pas prendre la blancheur et mes
promenades nocturnes seraient comme une nuit d'éclipse. C'est
seulement un changement de
couleur. Peut-être alors pourrais-je échapper au temps qui passe,
car, une éclipse n'est
pas sensible au temps qui passe,
une éclipse, dans sa fugitivité même, dans son accident incident, dans
sa prévision astronomique, n'est pas sensible au temps qui passe.
On sait que les éclipses ont obstinément leur propre mémoire et
leur propre voyage.
Elles vivent dans cette
« fugitivité » malheureuse du temps, qui se passe alors de
l'écriture,
qui ne permet pas d'écrire, qui ne donne aucun support à cela.
Et que suis-je moi
dans ces
jours ? Je suis le
dernier soubresaut de ce milieu particulier.
Fallait-il vraiment
que je tente de me souvenir alors que je suis incapable de forcer le
souvenir plus loin. Cela me rend un peu triste. Je me
souviens pourtant de ces pays aux amalgames hasardeux qui
ont produit des lois, des peines, des geôles, des lynchages, des
meurtres symboliques ou des meurtres non symboliques et je me souviens bien,
aussi, de mon émotion,
celle que je ne veux plus revivre. D'ailleurs, dans mon souvenir, distant, il fait nuit.
Plus de voyage.
C'est aussi qu'il n'y
aurait eu de voyage qu'avec toi. |