Je
me demande
pourquoi le samedi est le jour, depuis plus de vingt ans et sans doute
depuis plus longtemps, où je suis pris de fatigue. C'est
un sentiment familier
qui varie parfois selon
le temps, l'envie, les sollicitations du temps. Je suis allé voir
quelques expositions, mais, sans réelle surprise, j'oublie un à un le nom
des artistes à mesure que je sors des galeries. Il y avait
d'anciens étudiants et je me suis évertué à compenser les échecs des
uns sans ternir les succès des autres, m'obligeant à réagir de
différentes manières. Cet oubli est comme une éclipse, ou plutôt
une succession d'éclipses, une absence. Malgré
les difficultés que j'ai à écouter, je me
souviens avoir eu des
conversations diverses, plus ou moins longues,
sur des sujets plus ou moins intéressants et plus ou moins
complexes. Je ne me souviens pas des sujets, mais seulement des
conversations elles-mêmes comme des événements sans grande importance. Cela m'est égal en
fait. Pourquoi
cependant devrais-je évoquer cela et m'en souvenir ensuite. Je me
promets de ne plus
jamais réitérer cet exercice.
Est-ce cela que procure
la fatigue ? Est-ce cela que provoque la lassitude ? C'est cela qui fatigue, la
possibilité du réel. Ce
n'est pas un adage, mais la réalité. Il faudrait pouvoir conserver
un certain refus de
l'indifférence, sous peine d'être mis au nombre des malfaiteurs.
Mais, la fatigue est plus forte et j'ai l'impression en permanence
d'être dans un lit où je tourne
la tête, où je me tourne et je me retourne. Peut-être que la
fatigue est un élément de ma personnalité et que la vie peut se réduire à
cette originalité essentielle qui
peine à se traduire en existence.
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