C'est la fête
de l'indépendance aux États-Unis et c'est aussi la fin officielle de
l'année universitaire, terminée cependant dans les faits depuis
plusieurs semaines. Si c'était la saison, il faudrait pour chaque
promotion planter un arbre, comme on plantait des arbres de la liberté
pendant la révolution française. « Un arbre offre une
belle image de la liberté sans violence » rappelait Duckett,
pourtant légitimiste, dans son journal en 1850 alors qu'on sciait les arbres de
la liberté à Paris. Cela me donne l'idée
d'un roman, d'une fiction, avec des personnages pittoresques et des
effets spéciaux
pour l'adaptation cinématographique. Les éditeurs et les
lecteurs lisant aiment des personnages typés, et qui dès lors confinent
à la caricature. S'agissant des éditeurs, c'est dans l'espoir de doper
ainsi les ventes. Ce
n'est pas un problème car, c'est assez facile de se lancer sans crainte dans une
telle aventure avec l'espoir
terrible d'obtenir un prix. Pour autant, j'ai renoncé pour de vrai
à ce genre d'écriture. Dès lors qu'on entre en relation avec un
éditeur, on n'a plus aucune
liberté de décision. On ne peut, par exemple que fort difficilement
faire une pause
dans le récit. Je préfère donc me lancer d'autres défis.
J'écris sans savoir
pourquoi mais je sais que ce n'est pas pour
passer le temps que j'écris, mais bien pour inscrire
l'écrire dans le temps, ce temps qui passe et qui pourtant ne passe
pas. Je suis depuis longtemps impressionné du fait que, sur les livrets
de famille, à côté de la date et du lieu de naissance, figure, déjà
prête, la place de la date et du lieu du décès. Et je suis tout
autant frappé que, dans certaines circonstances, l'administration exige
une preuve de vie. La régularité du temps est une fiction facile, car,
en réalité, les
heures se catapultent et se cognent. S'en rendre compte provoque quelque chose de
l'ordre du vacillement. Cela peut se produire n'importe quand, à
l'occasion d'une
conversation, d'un voyage, de presque rien. Et soudainement, c'est toute la vie qui
s'impose sans
encombre, une vie qui ressemble trait pour trait au
reflet inversé dans le miroir.
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