Diégèse | Calendrier de vie de l'auteur en spirale d'Ulam | ||||||||
dimanche 19 juin 2022 | 2022 | ||||||||
ce travail est commencé depuis 8206 jours (2 x 11 x 373 jours) | et
son
auteur est en vie
depuis 22659 jours
(3 x 7 x 13 x 83 jours) |
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ce qui représente 36,2152% de la vie de l'auteur | trois mille deux cent trente-sept semaines de vie | ||||||||
hier | L'atelier du texte | demain |
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table des correspondances | |||||||||
dans 1454 jours (2 x 727 jours), ce sera le vendredi 12 juin 2026 | et l'auteur sera peut-être en vie depuis 24113 jours (24113 est un nombre premier) | ||||||||
carnet de voyage de 2026 de Decize à Nevers en suivant la Loire |
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C'est
très difficile pour moi d'écrire l'étape nivernaise, tant Nevers imaginaire est déjà
complètement décrite, entièrement occupée par
Marguerite Duras dans Hiroshima mon
amour,
sans laisser aucune place possible à une autre écriture. De Nevers, je
ne veux dire d'autre que ce qu'en dit Duras. Et pourtant, je dois
écrire. Alors, je me résous à me concentrer pour
caviarder le texte de Duras, qui devient donc ceci. Je suis arrivé à Nevers, où je suis né. Dans mon souvenir, Nevers est indistinct de moi-même. C'est une ville dont un enfant peut faire le tour. Délimitée d'une part par la Loire, d'autre part par les Remparts. Au-delà des Remparts il y a la forêt. Nevers peut être mesurée au pas d'un enfant. Nevers « se passe » entre les Remparts, le fleuve, la forêt, la campagne. Les Remparts sont imposants. Je me souviens de cette même promenade il y a quelques années encore. Je pensais qu'elle était clandestine. Le fleuve est le plus large de France, le plus renommé, le plus beau. Nevers est donc délimitée comme une capitale. Quand j'étais un petit garçon et que j'en faisais le tour, je la croyais immense, à ce point qu'il était presque impossible de pouvoir en garder la mémoire. Son ombre, l'ombre portée d'une illusion, dans la Loire, tremblait, l'agrandissant encore. Cette illusion sur l'immensité de Nevers je l'ai gardée longtemps, jusqu'au moment où j'ai atteint l'âge d'un adolescent. Alors Nevers s'est fermée sur elle-même. Elle a grandi comme on grandit. Je ne savais rien des autres villes. J'avais besoin d'une ville à la taille de l'amour même. Je l'ai trouvée dans Nevers même. Dire de Nevers qu'elle est une petite ville à l'écart des grandes villes est une erreur du cœur et de l'esprit. Nevers fut immense pour moi. Le blé est à ses portes. La forêt est à ses fenêtres. La nuit, des chouettes en arrivent jusque dans les jardins. Aussi faut-il s'y défendre d'y avoir peur. L'amour y est surveillé comme nulle part ailleurs. Les jeunes gens sortent de la ville pour vivre l'amour, pour regarder le ciel et devenir amants dans cette trop grande proximité avec le désir. Ils sont déjà dans l'éloignement de Nevers, et depuis, j'ai cultivé cet éloignement. Des gens seuls y attendent leur mort, dans l'épuisement fatal du corps. Aucune autre aventure que celle-là ne pourra faire dévier leur attente. Dans ces rues tortueuses se vit donc la ligne droite de l'attente de la mort. L'amour insouciant y est impardonnable. La faute, à Nevers, est d'amour. Le crime, à Nevers, est le bonheur. L'ennui y est une vertu tolérée. Des fous circulent dans ses faubourgs. Des bohémiens. Des chiens. Et l'amour. On y vient rarement par hasard. Venir par hasard à Nevers, ce serait avouer que l'amour est le fruit d'un hasard. Dire du mal de Nevers serait également une erreur de l'esprit et du cœur. Ce serait dire que Nevers peut provoquer l'ennui par l'absence d'événements. Cette absence d'événements n'est pas l'absence d'une histoire possible à Nevers. Je suis allé sur le quai de la gare de Nevers, jusqu'à l'emplacement exact où l'amant allemand du personnage de Duras a été abattu par les forces armées de la Libération. Il y avait là quelques jeunes personnes qui trompaient la canicule à la bière et qui ne voyaient pas les traces imaginaires de son sang imaginaire. Jamais d'ailleurs les discours officiels ne disent les amours qui naissent entre des peuples ennemis. Les discours officiels ne disent jamais cela, l'amour. Gagner l'amour à corps perdu. C'est pour cela qu'il y a des écrivains, des cinéastes aussi, pour dire l'amour entre les ennemis. C'est cela le texte auquel il faut que je parvienne encore. C'est cela le texte de ce voyage. |
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Texte original de Marguerite Duras Nevers où je suis née, dans mon souvenir, est indistinct de moi-même. C'est une ville dont un enfant peut faire le tour. Délimitée d'une part par la Loire, d'autre part par les Remparts. Au-delà des Remparts il y a la forêt. Nevers peut être mesurée au pas d'un enfant. Nevers « se passe » entre les Remparts, le fleuve, la forêt, la campagne. Les Remparts sont imposants. Le fleuve est le plus large de France, le plus renommé, le plus beau. Nevers est donc délimitée comme une capitale. Quand j'étais une petite fille et que j'en faisais le tour, je la croyais immense. Son ombre, dans la Loire, tremblait, l'agrandissant encore. Cette illusion sur l'immensité de Nevers je l'ai gardée longtemps, jusqu'au moment où j'ai atteint l'âge d'une jeune fille. Alors Nevers s'est fermée sur elle-même. Elle a grandi comme on grandit. Je ne savais rien des autres villes. J'avais besoin d'une ville à la taille de l'amour même. Je l'ai trouvée dans Nevers même. Dire de Nevers qu'elle est une petite ville est une erreur du cœur et de l'esprit. Nevers fut immense pour moi. Le blé est à ses portes. La forêt est à ses fenêtres. La nuit, des chouettes en arrivent jusque dans les jardins. Aussi faut-il s'y défendre d'y avoir peur. L'amour y est surveillé comme nulle part ailleurs. Des gens seuls y attendent leur mort. Aucune autre aventure que celle-là ne pourra faire dévier leur attente. Dans ces rues tortueuses se vit donc la ligne droite de l'attente de la mort. L'amour y est impardonnable. La faute, à Nevers, est d'amour. Le crime, à Nevers, est le bonheur. L'ennui y est une vertu tolérée. Des fous circulent dans ses faubourgs. Des bohémiens. Des chiens. Et l'amour. Dire du mal de Nevers serait également une erreur de l'esprit et du cœur. Marguerite Duras, Hiroshima mon amour, Éditions Gallimard |
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