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Dès
l'enfance, j'ai préféré Zola à Balzac et me voilà à Saumur, ville
d'Eugénie Grandet. Je me souviens avoir lu ce roman il y a de nombreuses années,
mais je n'en ai aucun souvenir. J'en lis l'argument sur l'internet.
Rien ne me revient, et d'ailleurs, il serait difficile de se passionner
pour les amours contrariées d'Eugénie et de son cousin Charles, qu'elle
n'épousera jamais. J'imagine leur première rencontre, Eugénie
s'inclinant avec un petit sourire presque gêné d'un salut vraiment disgracieux. Peut-être ai-je oublié ce roman pour en oublier le personnage principal, son père marchand, ses jours sans tendresse, sa vie tout à la fois parfaite et ordinaire. Le roman propose un regard sur le monde qui n'a rien pour plaire à un pré-adolescent qui cherche encore des éléments de comparaison avec ce que pourra être sa propre vie et qui, ayant lu le roman, demeure accablé par son accablement.
La chaleur est forte
comme tous les mois de juin désormais. On prépare à Saumur comme dans
toute la France la fête de la musique. Il y aura foule demain soir. Je cherche un lieu pour me rafraîchir, un musée par exemple.
Ils sont encore climatisés le plus souvent aux fins de conservation des
œuvres. Mais, il n'y a d'ouvert à Saumur que le musée des Blindés. Même
si c'est une petite manie
que j'ai d'aller visiter des musées insolites, je renonce à aller
visiter celui-ci, qui n'est d'ailleurs peut-être même pas climatisé.
J'avise alors un jardin public, mais, très vite, je suis pris dans les éternuements allergiques. Je regarde les familles qui sont venues là passer la journée dans l'attente des vacances et dont les enfants repoussent
le moment de rentrer à la maison. Alors que j'allais sortir du jardin,
je vois, sagement assis sur un banc, un enfant d'une dizaine d'années
qui lit sagement un roman. Il s'agit peut-être d'Eugénie Grandet et peut-être en gardera-t-il lui mémoire, aidé en cela par le jardin embaumant. J'ai failli
lui demander ce qu'il en pensait, mais il est préférable dans ce monde
où nous vivons que les vieux messieurs comme moi n'abordent pas les
enfants qu'ils ne connaissent pas. Je n'en ai donc rien fait.
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