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Sur
une carte, les lieux où habitent les amis, qui sont aussi des lieux
d'amitiés, et par une sorte de contagion, des lieux amicaux, ces lieux,
donc, figurent comme des points fixes qui apparaissent comme surlignés
ou
bien alors comme imprimés en caractères gras. Et c'est aussi de cette
façon que l'on mesure la place de l'amitié dans une vie humaine. C'est ce que je me disais hier en approchant de Pleaux en cette première décade de novembre. Certes, le temps a fait son travail d'effacement et, sous la pluie, même s'il était encore tôt dans l'après-midi, le bourg avait cet aspect désert qu'on ne lui connaît jamais vraiment l'été. Je suis allé marcher un peu, retrouvant la terre du chemin
qui descend dans le bois et les arbres devenaient des fantômes à mesure
que la nuit avançait. Ce matin, il n'en était plus rien. Le
jour est ainsi fait qu'il fait s'évanouir les fantasmagories des nuits et du passé révolu. Cela fait bien trente-cinq ans que je suis venu ici pour la première fois. Je ressemblais alors à un acteur d'un film que je n'avais pas vu dans ce jeu de la vie qui fait que sa propre apparence est floutée dans le présent, ne prenant un peu de netteté et de vérité qu'avec le temps qui passe. Le paysage est depuis resté intact ou presque. C'est qu'on n'en parle jamais dans les journaux et qu'ainsi, rien n'intervient dans le cours des jours qui puisse changer la donne.
Je dors à Aurillac ce soir et je n'aurai pas de difficulté à garer la fourgonnette, même si tout à l'heure, le centre-ville était affairé par la nuit qui arrivait.
Dans les préfectures et les sous-préfectures, qui concentrent les
services à la population et aussi les quelques commerces qui ont survécu à la
vente à distance, les mouvements sont devenus encore plus pendulaires
qu'ils ne l'étaient auparavant. Entre 18h et 19h, il y a un peu de
monde, avant que le ballet des scooters livreurs de pizzas décongelées
reprenne le dessus, en alternance avec les voiturettes électriques qui
livrent les courses ou les repas aux personnes âgées. Le mot est sans
doute mal choisi, car les personnes âgées sont dans des résidences de
service ou des établissements spécialisés et ce sont les actifs qui se
font livrer des repas après avoir télétravaillé dans des appartements
standardisés où la fibre est déployée. Mais, je m'aperçois que je force
le trait et Aurillac n'est pas totalement devenue l'environnement
orwellien que je décris ici en quelques mots et que l'on voit défiler
dans les journaux, justement, qui prétendent analyser le présent. Et pourtant,
il suffit de se rapprocher d'un monument ancien et l'on peut presque
voir alors le passé et l'idée même de perfection qui a prévalu à sa
construction.
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