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Je suis allé revoir aujourd'hui les calvaires et les cimetières clos de Bretagne aux sculptures magiques. Le but de ce parcours qui m'a valu plusieurs heures de route, était le Pardon de Tronoën, celui que préférait Louis Massignon. J'ai retrouvé avec beaucoup de joie ce lieu que je n'avais pas visité depuis plusieurs années. En passant à Quimper, j'ai cherché de la documentation sur ces calvaires, sur leur rôle pour le peuple de Bretagne et leur place dans son imaginaire. Je n'ai rien trouvé de très convaincant, sinon qu'il s'agit bien d'une histoire de foi et d'amour. Je crois qu'il aurait été possible de pousser cela plus loin. Je n'en connais donc toujours ni les raisons apparentes, ni les raisons secrètes de cette statuaire incroyable mais je peux en deviner des éléments, parmi lesquels le rêve et l'absence, mais aussi une vive anxiété, qui est celle que procure la mer amie et traitresse, celle dont les couleurs changent et demeurent, celle qui affirme que reviendra le temps du sourire après la peine.
J'ai tenté à Tronoën, attablé à la crêperie toute proche, une sorte d'écriture sur le motif,
mais je n'y suis pas parvenu. Plutôt que de rester dans ce lieu
patrimonial magnifique, mais touristique, les personnages se sont
dirigés vers une banlieue pavillonnaire comme il en existe dans toutes
les villes de France, même les plus petites, de celles où il faut surveiller ses
voisins, surtout les nouveaux venus et qui suscitent les sarcasmes des commentateurs bourgeois. J'aurais aimé les retenir à Tronoën mais, je n'avais d'autre choix
que de les suivre dans la banlieue de Concarneau, dans ce quartier où
l'immense rond-point de Keramporiel dessert des pavillons alignés dans
des rues qui nommés par des termes de la marine à voile, à cet endroit
où la rue du Clinfoc croise la rue du Cacatois. Je parviens progressivement à un texte. En cours de route, j'ai perdu un personnage. Peu importe, ce n'est pas le nombre de personnages qui va modifier la
rotation de la Terre. Et d'ailleurs, je n'écris pas un roman et, justement, ce n'est pas un roman avec des personnages. Ce que j'écris, ce sont des personnages sans roman. C'est ce qui fait toute la différence. Cela permet aux personnages de faire certaines choses que l'on ne fait que rarement dans les romans.
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