Les
jours, déjà, sont plus courts, et, malgré ma grande fatigue,
il faut partir
plus tôt désormais, avant que le soleil
ne se lève. Je prends le
premier bus pour marcher dans la ville. Je me donne le
plaisir de regarder le nom de toutes les rues. Partout ce sont les
mêmes couleurs artificielles qui enserrent les villes. Plus on
s'éloigne du centre, plus les paysages urbains se ressemblent. Même si
je le sais, à chaque fois, je suis très
impressionné par cette tentative d'imaginer un luxe populaire.
Et tout cela est pathétique, et c'est paradoxal, car, c'est la
marchandisation de l'émotion qui, peu à peu, à fait du
« pathétique » une sorte d'antiphrase. Ainsi,
le terme « pathétique » apparaît bien comme un marqueur
important de la
place qu'une société donne ou laisse à la représentation des émotions
et à leur expression, celles d'un mouvement intime
de
l'âme et du corps, ne serait-ce qu'un mouvement infime
vers cette perception.
Je marche dans ce
paysage assemblé, m'arrêtant au bord de chaque souvenir, puis je
prends le bus pour rentrer. Malgré la fatigue, je ne vais pas dormir.
Angoisse
et fatigue forment un couple étrange. Je ne dors pas par crainte de
rêver, mais le
rêve ne va pourtant pas exténuer l'angoisse. De retour à la maison,
je mets la radio.
J'entends quelques personnalités politiques qui parlent d'elles-mêmes,
ou d'autres indifféremment.
Je ne comprendrai jamais cette agilité dans la
communication
sur soi. Il semble pourtant évident que tout est faux dans les
narrations politiques de ce samedi frêle,
à tel point
que cela donne le
vertige. Leur couper la parole médiatique serait aussi nécessaire
que l'a été la
suppression des privilèges féodaux. |