mardi 31 janvier 2023 | |||
samedi 31 janvier 1970, il y a 53 ans | ARTHUR RIMBAUD " Les mains de Jeanne-Marie " | VERLAINE " Mort ! " | |
Le
Monde - publié le 31 janvier 1970 - Rimbaud |
Le Monde - publié le 31 janvier 1970 - Verlaine | ||
Rimbaud se trouvait à Paris du 25
février au 10 mars 1871, c'est-à-dire quelques jours avant la naissance
de la Commune. Il vécut en clochard dans la capitale et il dut rentrer
à Charleville. Mais là, il se promène avec ces mots à la bouche : " Ça
y est... l'ordre est vaincu. " Est-il retourné à Paris durant la
Commune, comme on l'a prétendu ? Maurice Choury ne le pense pas. Mais
Rimbaud, dit-il, a été " un fervent communard ". Durant l'été 1871, il
écrira les Mains de Jeanne-Marie : Elles ont pâli, merveilleuses,
Au grand soleil d'amour chargé, Sur le bronze des mitrailleuses À travers Paris insurgé ! L'écrasement des insurgés lui inspirera un poème de vengeance : " Qu'est-ce pour nous, mon cœur,
que les nappes de sang
Et de braise, et mille meurtres, et les longs cris De rage, sanglots de tout enfer renversant Tout ordre ; et l'Aquilon encor sur les débris Et toute vengeance ? Rien !... - Mais si, toute encor, Nous la voulons ! Industriels, princes, sénats Périssez ! Puissance, Justice, histoire, à bas ! Ça nous est dû, le sang ! le sang ! la flamme d'or ! Tout à la guerre, à la vengeance, à la terreur... " " Rimbaud, dit Maurice Choury, a vécu par l'imagination toute la passion des fédérés ", dans la ville en révolte. " J'aurais pu y mourir. "
" ... Je voyais une mer de flammes et de fumée au ciel : et à gauche, à droite, toutes les richesses flambant comme un milliard de tonnerres. " " J'ai appelé les bourreaux pour, en périssant, mordre la crosse de leurs fusils. " Il a écrit aussi : " Quand irons-nous, par-delà les
grèves et les monts, saluer la naissance du travail nouveau, la sagesse
nouvelle, la fuite des tyrans et des démons, la fin de la superstition,
adorer - les premiers - Noël sur la Terre ! "
" Le chant des cieux, la marche des
peuples ! Esclaves, ne maudissons pas la vie. "
Le Monde |
Durant la Commune, Verlaine,
enflammé par la révolution, dirige le bureau de presse de l'hôtel de
ville. A l'issue de la " semaine sanglante ", il trouve refuge dans le
Pas-de-Calais. Il a écrit le poème ci-dessous à la fin de sa vie : Les Armes ont tu leurs ordres en
attendant
De vibrer à nouveau dans des mains admirables Ou scélérates, et, tristes, le bras pendant, Nous allons, mal rêveurs, dans la vague des Fables. Les Armes ont tu leurs ordres qu'on attendait Même chez les rêveurs mensongers que nous sommes, Honteux de notre bras qui pendait et tardait, Et nous allons, désappointés parmi les hommes. Armes, vibrez ! mains admirables prenez-les, Mains scélérates à défaut des admirables ! Prenez-les donc et faites signe aux en-allés Dans les fables plus incertaines que les sables. Tirez du rêve notre exode, voulez-vous ? Nous mourons d'être aussi languides, presque infâmes ! Armes, parlez ! Vos ordres vont être pour nous La vie enfin fleurie au bout, s'il le faut, des lames. La mort que nous aimons, que nous eûmes toujours Pour but de ce chemin où prospèrent la ronce Et l'ortie, ô la mort sans plus ces émois lourds, Délicieuse et dont la victoire est l'annonce ! (Décembre 1895.) |