mardi 7 mars 2023 | |
jeudi 7 mars 1974, il y a 49 ans | |
M. François Mitterrand : une politique de l'esbroufe | M. Giscard d'Estaing : mes ambitions sont en général mal perçues |
Le Monde - publié le 7 mars 1974 | |
Pour
M. Mitterrand, le bilan du
gouvernement Messmer II est lourd. L'inflation, a-t-il souligné, est
passée de 6 à 13%, la politique du crédit compromet le développement
de la capacité de production, rien n'est fait pour assurer la
régulation du chômage, il n'y a aucune restructuration industrielle
dans les domaines de l'automobile, de l'aéronautique, de la chimie,
rien n'est fait pour réduire les inégalités. La hausse des produits
alimentaires est " scandaleuse ", dans l'agriculture, Jacques
Chirac a
fait " une politique de l'esbroufe ". Quant à celle de M.
Giscard
d'Estaing, elle mérite, selon M. Mitterrand, d'être définie selon la
formule de Tardieu, comme " la politique du chien crevé au fil de
l'eau ". Le premier secrétaire du P.S. conclut, sur ce
point : " M. Pompidou
a eu raison de demander au gouvernement Messmer II de disparaître. Il
n'a eu qu'un tort, c'est d'en faire un troisième. " Interrogé sur l'affaire Soljénitsyne, M. Mitterrand s'est prononcé contre le bannissement, qu'il s'agisse de l'écrivain russe ou de l'évêque de Bilbao. " Nous, socialistes, nous n'acceptons pas pour notre pays, mais aussi au plan des principes universels, qu'un homme puisse être frappé pour les opinions qu'il exprime. Si Soljénitsyne avait besoin de mon concours pour vivre heureux en France, je le lui donnerais tout de suite ", a-t-il déclaré. Le premier secrétaire du P.S. a indiqué qu'il comptait se rendre en U.R.S.S. en avril, en réponse à une invitation qui lui a été faite depuis plusieurs mois. Pour des raisons de convenance, il a estimé qu'il ne pouvait aller en Union soviétique avant la visite que doit y faire M. Pompidou, et qui a été fixée au 12 mars. |
M. Giscard d'Estaing, qui était,
mardi 5 mars, l'hôte à déjeuner de la Revue des Deux Mondes, a consacré
une partie de ses propos (on lira d'autre part ses déclarations sur les
perspectives économiques) à la situation politique. S'agissant de ses desseins personnels, il a déclaré : " Je lis parfois dans la presse, et notamment récemment, que je nourris telle ou telle ambition. Elles me semblent en général mal perçues, car ma véritable ambition ce serait une ambition littéraire. Si j'avais la certitude de pouvoir écrire, en quelques mois ou en quelques années, l'équivalent de l'œuvre de Guy de Maupassant ou de Gustave Flaubert, il est hors de doute que c'est vers cette sorte d'activité qu'avec joie je me tournerais. Faute d'avoir cette certitude à l'heure actuelle, je suis l'invité, comme ministre d'État, au déjeuner de la Revue des Deux Mondes. " Justifiant le remaniement récent de l'équipe qui entoure M. Messmer, M. Giscard d'Estaing a déclaré que " la continuité de l'équipe gouvernementale française doit être un motif de satisfaction et non de regret ", compte tenu du contexte européen actuel, et il a affirmé que " le gouvernement est composé d'hommes compétents et capables de prendre des initiatives à leurs différents postes ministériels ". Un ministère réduit, a-t-il ajouté, " changera l'aspect, le contenu et la portée des délibérations du gouvernement ". Le leader des républicains indépendants a ensuite expliqué la décision prise par ses amis politiques d'ajourner leur congrès, qui devait siéger les 9 et 10 mars. Il n'aurait pas été convenable, a-t-il dit, que le ministre d'État chargé de l'économie et des finances fût conduit à prononcer un discours politique avant l'intervention de M. Messmer devant l'Assemblée nationale. S'il en était allé ainsi on n'eût certainement pas manqué d'en tirer des conclusions. M. Giscard d'Estaing, informé des propos tenus par M. Mitterrand, qui lui avait reproché de faire " la politique du chien crevé au fil de l'eau ", a répliqué avec une grande sécheresse : " Je dirai que chacun de nous peut juger, comme d'ailleurs chaque Français, l'élégance de la forme et la densité de la pensée. " |