lundi 18 septembre 2023

samedi 18 septembre 1965, il y a 58 ans " Tu le regretteras "...

Le Monde - publié le 18 septembre 1965



Depuis jeudi après-midi l'opposition a trouvé un nouveau sujet de préoccupation politique : le prochain disque de Gilbert Bécaud. C'est que parmi les quatre chansons qu'il comprend, et qui s'intitulent innocemment : Je t'aime, la Mort du poète, Des jours meilleurs et Tu le regretteras, la dernière n'est pas si innocente que cela...

Dans Tu le regretteras, il est anonymement, mais indiscutablement, question du seul général de Gaulle.

L'indicatif de la radio de Londres pendant la guerre fournit les mesures d'ouverture. Puis viennent les couplets :

La voix, drôle de voix,
Profonde et saccadée,
La voix qu'on écoutait tout bas,
Les portes bien fermées,
Cette voix qui racontait
Une France à ton goût,
Quand elle se taira,
Je te parie cent sous
Que tu le regretteras.

Ou encore :

Cette vie que ton fils apprendra Pour les leçons du mercredi Et qu'il ne saura pas, Cette vie qui ne fut pas
[toujours à son goût, Quand elle ne sera plus,
[Je te parie...

Et pour finir :

C'est vraiment très dommage,
Toi qui es mon ami,
On n'est plus du même rivage
Quand on parle de lui.
Cet homme légendaire
Au milieu des vivants,
Je te parie cent francs.
Que tu le regretteras longtemps...

Les auteurs ont travaillé dans le plus grand secret et, ils l'assurent, sans avoir été sollicités, mus uniquement par leur admiration envers un personnage historique.

Toutefois, Europe N°1 promet d'attendre le 5 décembre pour diffuser le disque, qui sera mis en vente dès la semaine prochaine par Pathé-Marconi. Gilbert Bécaud et son parolier, Pierre Delanoë, affirment qu'en écrivant cette chanson ils n'ont pas pensé du tout aux élections présidentielles. Mais leur initiative a ému. La voix d'une vedette a un tel poids de nos jours ! Un succès musical, c'est la plus précieuse des propagandes, le plus redoutable des arguments ! À ceci près que, si le général de Gaulle devait annoncer qu'il se retire, la chanson - alors - serait assez vexante pour M. Pompidou...

M. L.