Diégèse Les narratrices et les narrateurs
Journal d'Olivier en 2014 - 34 jours -
Olivier vit et travaille à Vitry-sur-Seine dans le val-de-Marne.











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jeudi 4 janvier 2024 samedi 4 janvier 2014 Intéressant article dans le Monde daté d'aujourd'hui sur l'art contemporain en Italie. L'ami Hou Hanru va devoir faire preuve de toute son audace pour convaincre. Et encore, le MAXXI n'est pas le plus mal loti et Rome n'est pas la ville la moins artistique de l'Italie. L'article insiste sur Turin qui a une politique artistique coordonnée. Ce n'est pas pour rien que Nietzsche prétendait que Turin était la seule ville où il était encore possible. C'est peut-être la seule ville italienne aujourd'hui où la création contemporaine est encore possible.

L'article m'a donné envie d'aller y passer un weekend. J'aime beaucoup Vitry et je suis attaché à son musée d'art contemporain pour lequel j'ai tant milité, mais, un peu d'Italie me fera du bien. Je vais demander à Élise si elle en a envie. Je réserverai un hôtel confortable. « One Torino » se termine le 12 janvier. Il ne faut pas tarder.




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mercredi 10 janvier 2024 vendredi 10 janvier 2014 Nous partons à Turin tout à l'heure et nous rentrerons dimanche soir. J'ai finalement réussi à trouver une invitation pour « One Torino » grâce à une journaliste que je connais un peu. C'est plus facile que pour les journées professionnelles de la FIAC ou, pire encore, pour la journée inaugurale de la Biennale de Venise. J'ai vu des gens se fâcher à jamais parce que l'un n'avait pas donné à l'autre l'invitation souhaitée. Peu importe d'ailleurs qu'il ait ou non jamais eu des invitations à distribuer. Les invitations VIP, c'est un peu comme l'amour chez Lacan... ou chez Étienne Daho (reprenant Lacan).

Élise aurait aimé que nous y allions en train. Moi aussi, mais cela n'a malheureusement pas été possible. Il aurait fallu partir en milieu d'après-midi et aucun de nous deux ne le pouvait. Sept heures de train, c'était tentant, même si c'est plus cher que l'avion. Nous logerons non loin du Palais Madame et l'appartement, sauf s'il y a tromperie, donne sur les Jardins royaux. C'est le grand luxe. Mais, je pense qu'il est préférable de parler du Palazzo Madama et des Giardini Reali di Torino.

J'espère que cela sera propice à notre projet secret.




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mardi 16 janvier 2024 jeudi 16 janvier 2014 C'est aujourd'hui que nous saurons... Mais, même ici, même par écrit, sans doute par une superstition imbécile, je ne dirai rien de ce que nous devrions savoir bientôt.

J'ai été un peu déçu par les expositions, comme à chaque fois qu'une exposition annonce la couleur avec une sorte de roulement de tambour. Je me souviens de ces expositions au Grand Palais ou au Palais de Tokyo qui se voulaient la vitrine de la création contemporaine. C'était raté, forcément raté. En fait, je n'aime que les expositions monographiques. Et même, je n'aime que les rétrospectives. J'aime voir le développement du travail d'un artiste à travers le temps, ses bifurcations, ses remords et aussi ses erreurs. D'ailleurs, je trouve que l'on ne prend pas assez le soin de montrer des œuvres mineures, voire des œuvres que l'artiste ne défend plus. C'est passionnant de tenter de comprendre pourquoi l'artiste est allé dans cette direction et pourquoi il s'est trompé de voie. Pour le reste, s'il s'agit de distinguer des courants, des écoles, des affinités, je préfère acheter un livre  ; surtout quand on sait que les commissaires d'exposition n'obtiennent jamais tous les prêts qu'ils voudraient obtenir.

Je lis dans Le Monde, que l'on s'agite dans les sphères politico médiatiques sur la suppression des départements de la petite couronne. Patrick Devedjian déclare au Monde qu'il est prêt à fusionner les Hauts-de-Seine avec les Yvelines. Évidemment, cela prête à sourire... Ce que l'on ne dit pas, c'est ce que deviendraient alors les musées départementaux... Or, en Île-de-France, de nombreux musées sont départementaux... Moi, je voudrais que l'on recrée la Seine-et-Oise... Mais, ce n'est pas à l'ordre du jour.




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mardi 30 janvier 2024 jeudi 30 janvier 2014 Je me relis avec un sourire comme si je relisais un cahier d'enfance. La belle affaire que la fusion des départements à l'aune de l'avenir des musées départementaux ! Est-ce vraiment ce qui importe le plus ? D'ailleurs, Hauts-de-Seine et Yvelines sont vus comme des départements de riches. Il y a des riches, bien sûr, mais il y a aussi des pauvres sinon de très pauvres. Les quartiers populaires dans les communes les plus favorisées d'Île-de-France sont parfois totalement enclavés, géographiquement et socialement, même à Meudon ou à Versailles. Bagneux vaut bien Trappes qui vaut bien Mantes-la-Jolie qui vaut bien Bobigny. Le capitalisme est un système qui favorise la relégation sociale et économique, qui vont le plus souvent ensemble. Si j'avais à choisir entre Bobigny et Meudon si je gagnais un SMIC, je choisirais Bobigny. Je m'y sentirais moins stigmatisé et ghettoïsé.

Turin n'a pas été propice à notre projet secret. Peut-être faudra-il repartir en voyage.

Ou plutôt, je vais essayer de trouver deux places pour le concert de Dépêche-Mode demain à Bercy. Je sais qu'elle adore ce groupe que son père aimait beaucoup aussi. Pour éviter de rentrer après le concert à Vitry, je prendrai une chambre d'hôtel à Paris. Je lui dirai que c'est un des nombreux anniversaires de notre rencontre.




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lundi 5 février 2024
mercredi 5 février 2014 Le concert de Dépêche-Mode était formidable, même si l'aventure m'a ruiné. Et encore, l'hôtel que j'avais réservé était assez banal bien que confortable.

Le lendemain, plutôt que d'aller au musée, j'ai proposé d'aller visiter quelques églises de Paris, en commençant bien sûr par Notre-Dame. Puis, nous sommes allés à Saint-Sulpice, voir le Delacroix et de là, à Saint-Denys-du-Saint-Sacrement, rue de Turenne, où il y a aussi un Delacroix, moins connu que le premier. Puis, nous avons filé vers Saint-Eustache. C'est dommage que l'on ne fasse rien de l'ancienne bourse de commerce. Cela ferait un lieu culturel intéressant. Je ne crois pas qu'il y ait aucun projet dans les tiroirs. Je ne sais même pas à qui appartient le bâtiment. Si c'est à la Ville de Paris, elle a son content de nouveaux projets artistiques sortis de terre depuis 2001... avec parfois quelques difficultés à leur trouver un budget de fonctionnement.

Après Saint-Eustache, nous ne pouvions qu'aller au Sacré-Cœur et surtout dans la petite église qui jouxte la grosse meringue, l'église Saint-Pierre de Montmartre, où l'on est bien plus tranquille. Dans chaque église, nous avons fait brûler chacun un cierge, sans révéler à l'autre quel était le vœu qu'il portait. Peut-être était-ce le même...




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dimanche 11 février 2024 mardi 11 février 2014 Je lis dans Le Monde d'aujourd'hui que le spectacle vivant manifeste contre les coupes budgétaires. Tant mieux. Elles ne concernent pourtant pas seulement le spectacle vivant. Mais, je ne crois pas qu'on ait jamais vu de manifestation de plasticiens associant galeristes et directeurs d'institutions. Je ne sais même d'ailleurs pas si François Hollande sait qu'il y a des plasticiens. Hollande se fout pertinemment de l'art. Cela ne l'intéresse pas. On peut d'ailleurs légitimement se demander ce qui intéresse cet homme... Les femmes, peut-être ? Et encore. Sarkozy, c'était plus clair : sa passion première, c'est l'argent. Les femmes viennent ensuite, sans doute derrière le pouvoir. Hollande, c'est moins le pouvoir qu'il aime que faire des coups politiques, de préférence au sein du parti socialiste où il pense qu'il suffit de faire une synthèse pour avoir une position... Comme le premier ministre d'ailleurs. Du coup, d'autres font les positions à leur place et ces positions, on le voit bien, sont des positions de droite.




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jeudi 4 avril 2024 vendredi 4 avril 2014 C'est demain que commence au musée le weekend consacré à la performance. En première page du programme, Autoportrait travaillé version 2011 d'Esther Ferrer. C'est un hommage à Jérôme Bosch. Je pense que l'artiste fait référence à ce tableau étrange où un charlatan trépane un homme pour extraire de son crâne la pierre de folie, quand une femme attablée et tenant son visage dans sa main droite supporte un livre sur la tête.

Le weekend promet d'être intense et toutes les équipes sont sur le pont.

J'aime beaucoup Esther Ferrer et sa sœur Mathilde aussi, la fameuse bibliothécaire des Beaux-Arts en 1968. J'espère qu'elle sera là aussi. Pour le reste, la performance n'est pas ce que je préfère en art. Je suis  sans doute de tendance trop contemplative pour cela.




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mercredi 24 avril 2024 jeudi 24 avril 2014 Cela fait déjà un an que la loi ouvrant le mariage à tous les couples a été promulguée et il y a encore des rancuniers qui appellent à son abrogation. Ils peuvent toujours courir. D'une part, juridiquement, ce serait très difficile car, cela introduirait une inégalité devant la loi qui ne passerait pas le Conseil d'État ou le Conseil constitutionnel  ; d'autre part, la société a accepté l'idée et le fait. Cela n'éteint pas, bien sûr, l'homophobie. Mais, le mariage pour tous contribue à lutter contre ces violences. Bien sûr, il y a encore beaucoup à faire.

Ce qu'il faudrait obtenir, désormais, c'est la facilitation de la procréation et de l'adoption.

Élise n'attend pas d'enfant.

Nous aimerions tant.




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mardi 30 avril 2024 mercredi 30 avril 2014
Trois jours de retard et c'est l'espoir. Seuls les couples qui essayent de faire des enfants peuvent comprendre instantanément la phrase précédente. Il s'agit bien sûr d'un retard de règles, de menstrues, si l'on veut utiliser le mot exact. Chaque fois qu'Élise connaît un retard de quelques jours dans l'apparition des saignements, l'espoir de la fécondation renaît. Idiotement, je guette sur son visage les premiers stigmates de la grossesse, comme si le nouveau réglage hormonal pouvait se vérifier si tôt de visu. Mais, Élise m'a avoué qu'elle faisait pareil dans le miroir de la salle de bain.

Cela fait plusieurs fois maintenant que nos espoirs sont déçus. Ce n'est jamais très agréable, me dit-elle, d'avoir ses règles et ça l'est encore moins quand on espérait très fort ne pas les avoir pendant une petite dizaine de mois. Mais, il faut aussi penser à toutes les femmes qui, a contrario, ne voulant pas d'enfants, guettent l'apparition des menstrues avec impatience.

Quelle histoire n'écrirait on pas sur le sang de la femme, depuis celui de l'hymen déchiré jusqu'à celui qui vient avec le placenta. Cela a peut-être déjà été fait, d'ailleurs. J'ai trouvé un article bien intéressant publié en 2001, écrit par Jean-Yves Le Naour et Catherine Valenti, publié dans la revue Clio et intitulé Du sang et des femmes. Histoire médicale de la menstruation à la Belle Époque. Les auteurs insistent sur la stigmatisation des menstruées à travers les temps... Joyeux...




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vendredi 10 mai 2024 samedi 10 mai 2014
Ce n'était qu'un retard de quelques jours et pour le premier mai Élise avait ses règles.

Il faut que nous trouvions une autre solution car ce désir d'enfant commence à peser trop lourdement sur notre sexualité. Au début, nous faisions l'amour aussi pendant les périodes fécondables. Puis, nous avons fait l'amour surtout pendant les périodes fécondables avant de faire l'amour que pendant les périodes fécondables. Bientôt, nous nous obligerons à faire l'amour pendant ces périodes et si l'acte sexuel devient une sorte de corvée de fécondation, peut-être un jour Élise sera-t-elle enceinte mais l'enfant naîtra dans un couple sans amour.

Je dois avoir une conversation avec elle. Elle refuse toute idée de parcours médicalisé et de fécondation in vitro. Il faudra peut-être que nous en passions par là avant que notre amour ne meure.

Je vais me renseigner.




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dimanche 12 mai 2024 lundi 12 mai 2014 J'ai passé la matinée à me renseigner sur la F.I.V. et les lieux où elle est pratiquée. Dans le Val-de-Marne, il y a deux possibilités, une à Créteil, dans le public et l'autre dans le privé, justement à Vitry-sur-Seine. On ira sans doute dans le public mais je vais laisser choisir Élise. C'est amusant, car, le Centre hospitalier intercommunal de Créteil prend pour acronyme CHIC. Donc, le public c'est CHIC. Il y a plusieurs magazines qui ont classés les centres de PMA-FIV et le premier du classement des classements est l'hôpital Antoine-Béclère de Clamart. Créteil est 28e. Mais il faut aussi prendre en considération en suite le suivi de la grossesse et l'accouchement. Je plaiderai pour Créteil.

Mais avant, il y a d'abord les tests de fertilité. Il va donc falloir que je donne mon sperme et ça m'angoisse un peu. Je vais demander si on peut être deux dans la cabine. Cela serait très certainement plus simple, plus rassurant et efficace.

Nous sommes prêts pour l'aventure.





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mercredi 22 mai 2024 jeudi 22 mai 2014 Bon, la première étape est passée. J'ai donné un échantillon de mon sperme. Je me suis débrouillé tout seul comme dans l'adolescence. Ce qui est terrible, c'est que dans la cabine destinée aux manipulations onanistes, ils disposent des revues suggestives dont certaines sont même carrément pornographiques. Je ne les ai pas regardées. Je ne voulais pas que notre enfant soit issu de fantasmes de ce genre. Une forme de superstition m'en a empêché. Personne n'en aurait rien su et c'était parfaitement licite puisque c'était à l'hôpital et littéralement là pour ça. Mais, notre enfant sera le fruit de notre amour, pas celui d'une manipulation triste face à des revues pornographiques un peu défraichies. J'ai pensé à notre rencontre, à notre premier baiser, à la première fois que nous avons fait l'amour. Je me souviens précisément de là où c'était, chez elle, dans son petit lit sous les toits, dans sa chambre de bonne où elle m'avait conduit par la main.

Bon, c'est fait et ce n'est plus à faire. Il ne reste plus qu'à attendre les résultats. Pour Élise, le prélèvement se fait sans avoir recours à ce genre d'expédients.




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jeudi 30 mai 2024 vendredi 30 mai 2014 Bon, nous progressons. Ni l'un ni l'autre ne sommes stériles. Mais, les médecins n'ont pas d'explication à nous fournir sur l'infertilité de notre couple par les voies naturelles. La vie a ce genre de bizarreries.

Moi qui croyais être tranquille après ce premier don de sperme, je devrai recommencer. En effet, j'ai appris que le prélèvement de sperme doit être le même jour que celui de l'ovocyte. Ce sera bien, car on pourra ainsi dater précisément la conception de l'enfant. En espérant que cela marche.

Élise est pleine d'espoir. Et moi, je suis plus prudent car, je déteste les déceptions plus que tout au monde, au point où je me retiens d'espérer le plus souvent. C'est d'ailleurs peut-être pour cela que la fécondation ne marche pas... par manque d'espoir.





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dimanche 9 juin 2024 lundi 9 juin 2014
Cela ne fait pas encore deux semaines que nous avons procédé à la fécondation. Si ça a marché, l'œuf n'est pas encore un embryon et n'est pas visible à l'échographie. Hier, on a eu peur, car Élise avait de légers saignements. C'était dimanche mais on a réussi quand même à joindre quelqu'un aux urgences gynécologiques, qui nous a dit de ne pas nous inquiéter, que ça arrivait, que ça pouvait être lié à la nidation, c'est-à-dire le moment où l'œuf, encore appelé morula car il ressemble à une mûre se fixe sur les parois de l'utérus. Mais ces saignements peuvent aussi être le signal d'une expulsion de l'œuf. Bref, il nous faut encore attendre pour être fixés. De toute façon, à part ces saignements, il ne peut y avoir aucun autre symptôme de grossesse décelable à coup sûr à dix jours de grossesse.

Je crois que je vais être un néo-père angoissé.




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vendredi 21 juin 2024 samedi 21 juin 2014 Notre enfant naîtra donc, si tout va au mieux, fin février.

Un mois de grossesse déjà, et tout ce qui va avec. Depuis la semaine dernière, Élise a des nausées qui vont jusqu'au vomissement. Moi, je trouve que son ventre s'est légèrement arrondi, mais je ne le lui dis pas. J'attends qu'elle me le dise elle-même. Elle n'a plus de saignement. Elle urine plus souvent, me dit-elle. En revanche, son humeur est parfaite, comme toujours.

Je ne manque pas une occasion de caresser son ventre. Nous avons notre rendez-vous pour l'échographie. Bon, j'admets qu'en fait, c'est Élise qui a rendez-vous et qu'il n'y aura rien de prénatal à échographier pour moi. Pour autant, j'irai avec elle et je demanderai si je peux suivre l'examen, au moins pendant un petit moment. Je sais que beaucoup de médecins n'admettent pas le père pendant toute la durée de l'examen et ne le font entrer qu'un peu avant la fin, quand tous les diagnostics ont été effectués et que tout va bien. Je le comprends parfaitement. S'il y avait un problème, je préfèrerais ne pas suivre minute par minute don diagnostic.

Je suis sûr que tout va bien se passer.




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mercredi 3 juillet 2024 jeudi 3 juillet 2014
Cela fait un mois qu'Élise porte notre enfant à naître et ce n'est pas encore le temps ordinaire de la grossesse. Je ne sais d'ailleurs pas s'il y a vraiment un temps ordinaire de la grossesse. Je ne sais pas en fait s'il y a jamais de temps ordinaire.

Élise a quelques nausées, depuis peu, qu'elle affronte bravement. J'espère qu'elles s'éloigneront rapidement. J'ai l'impression que tout le monde peut voir qu'elle est enceinte, surtout les personnes qui la connaissent. Et puis, c'est l'été et les vêtements sont légers.

Elle qui est sportive, elle a des crampes fréquentes. Les sites internet signalent que c'est possible au premier mois de grossesse. Mais il y a tellement de symptômes possibles que tout ou presque peut être attribué à la grossesse... Est-elle constipée que c'est la grossesse. A-t-elle de l'appétit ou au contraire en manque-t-elle que c'est encore la grossesse.

Le mieux est sans doute de prendre les choses comme elles viennent, de ne pas compter les jours et de passer un été et un automne les plus calmes et délicieux possibles.




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vendredi 5 juillet 2024 samedi 5 juillet 2014 Petite alerte hier et départ en trombe vers la maternité. Élise avait repéré un peu de sang dans sa culotte le matin. Mais, on nous a rassurés. C'est encore la nidation. L'échographie a montré que tout allait bien. L'embryon se développe normalement.

J'étais présent pendant l'examen, mais, moi, j'aurais bien été incapable de reconnaître que la forme montrée était un fœtus. Cela ressemblait à un rien, une vésicule, une boursouflure. Mais, quand on vous a dit qu'il s'agissait du fœtus, tout devient plus clair. Ici, ce serait donc la tête et là les prémisses du cordon ombilical.

J'espère que nous n'aurons pas à nous rendre trop souvent à la maternité avant la naissance. Il faut que cet enfant grandisse en paix.

Bien sûr, la sage-femme nous a répété qu'avant trois mois, il fallait être prudent et que la grossesse pouvait s'interrompre naturellement.




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jeudi 11 juillet 2024 vendredi 11 juillet 2014 Le premier effet de cette grossesse, c'est que le temps passe lentement. La prochaine échographie, à trois mois, se déroulera le 22 août et nous avons l'impression que c'est une éternité. Pendant ce temps, l'embryon fait son travail d'embryon. Enfin, nous le supposons. Élise a eu encore de légers saignements, qui n'ont pas duré. Mais, cette fois, nous ne sommes pas allés à la maternité qui n'aurait rien su nous dire de plus que la semaine dernière. S'il devait y avoir maintenant interruption de grossesse, je suppose que les saignements seraient plus importants. Mais je le suppose seulement et c'est proche de l'auto-suggestion.

Nous n'avons pas commencé, bien sûr, le parcours obligatoire des acquisitions prénatales. C'est beaucoup trop tôt. Imaginons que la grossesse n'aille pas à terme, ce serait terrible de rester seuls avec tout cet attirail. Nous attendrons, c'est décidé, la première fois où Élise sentira bouger le bébé. Car, c'est donc qu'il y aura un bébé et non pas un embryon. Il faut attendre vingt semaines environ. Cela nous mène début octobre. L'été sera passé. Tout cela est vraiment interminable.

Cette lenteur du temps vient peut-être du mode de fécondation. Nous savons précisément et sans avoir dû attendre l'échographie de datation le jour de la fécondation. En fait, une grossesse devrait durer trois mois. Le délai serait moins pénible. Mais, j'exagère. Il paraît qu'il y a des gens qui commandent des voitures neuves et qui les attendent plus longtemps.




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lundi 15 juillet 2024 mardi 15 juillet 2014 Pour la première fois depuis que nous nous sommes rencontrés, nous ne sommes pas allés voir le feu d'artifice sur l'esplanade du Trocadéro. Nous aimons tous les deux les feux d'artifice et celui de Paris est somptueux, mais Élise avait trop peur d'une bousculade ou même seulement de prendre un coup de coude dans le ventre à cause de la foule. Nous n'avions pas envie non plus de sortir pour voir celui de Vitry. D'ailleurs, je ne crois pas me souvenir que nous y sommes jamais allés et je ne saurais même pas dire où il est organisé.

Le Monde daté d'aujourd'hui rend compte du jugement d'une certaine Anne-Sophie Leclère, condamnée à neuf mois de prison ferme et, conjointement avec le Front national, à cinquante mille euros d'amende et en son nom propre à une amende de trente mille euros et ce, pour avoir comparé Madame Taubira à un singe. Elle avait été candidate pour le parti d'extrême-droite à la députation. La jeune femme se dit choquée par la sévérité du jugement et s'étonne d'avoir écopé de prison ferme alors que « les criminels portent un bracelet ». C'est donc qu'elle ne se considère pas comme une criminelle, qu'elle est pourtant, et de la pire espèce. Quant au parti des Le Pen, il plaide l'erreur de casting. On n'en croit rien. Elle est justement parfaitement dans le casting en question. Ce qui est terrible avec ce parti, c'est qu'outre qu'il fasse l'apologie de la haine, du racisme et de la violence, il fasse aussi la promotion de la bêtise.





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lundi 29 juillet 2024 mardi 29 juillet 2014 C'est encore une fois la guerre à Gaza. Pendant la nuit, des bombardements ont fait de nouvelles victimes. Cette fois, l'opération se nomme « Bordure protectrice ». Cela va faire bientôt un mois qu'elle est engagée. Ici, à Vitry, les gens en parlent bien sûr dans les cités. Pour beaucoup de jeunes, il s'agit d'une guerre contre les Arabes. Pour beaucoup aussi, incités souvent à penser comme cela par des prédicateurs, il s'agit d'une guerre contre l'Islam. Comme les mosquées ne sont pas épargnées par les frappes israéliennes, ce sentiment redouble. Pour d'autres encore, c'est une guerre coloniale du Nord global contre le Sud global. Je ne crois pas que cette dernière opération de Tsahal va venir à bout du Hamas. Comme les précédentes, elle va le renforcer. On pourrait presque penser que cette focalisation contre le Hamas, relayée par l'hostilité généralisée contre les chiites du Hezbollah ne vise qu'à étendre encore les territoires occupés. L'enclave gazaouie aurait pu être un territoire expérimental de paix entre Israéliens et Palestiniens. Elle se transforme chaque jour, chaque année, en abcès. Et ce ne sont pas les frappes israéliennes qui vont régler la chose. Dans dix ans, on y sera encore, à justifier les bombardements par quelques cibles sensibles de dirigeants du Hamas. Il n'y a rien de plus facile que de remplacer un dirigeant par un autre.

Est-ce que notre enfant à naître connaîtra la paix au Proche-Orient ? Sans doute pas l'année de sa naissance.




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mercredi 14 août 2024 jeudi 14 août 2014
Petites vacances en perspective. Est-ce que notre bébé se souviendra qu'il est allé à la mer avant sa naissance. On dit que c'est possible. C'est encore un peu tôt sans doute. Le fœtus n'a pas encore trois mois. La question n'est en fait pas vraiment de savoir si ce fœtus de moins de trois mois se souviendra que ses parents sont allés au bord de la mer, mais bien que notre repos et notre détente lui soit bénéfiques autant qu'à nous.

Pour ce faire, il ne faut aucun stress. Il faut donc que l'on parte en train, pour un voyage aussi rapide que confortable et que nous logions dans un hôtel offrant toutes les commodités, dont une vue sur la mer et tout cela bien sûr, pour notre budget qui n'est pas fameux.

Alors, c'est décidé, nous allons à Fort-Mahon. Mais nous n'irons en train que jusqu'à Amiens. Après, un ami amiénois nous prête la voiture de sa femme. De toute façon, c'est toujours mieux d'avoir une voiture sur place. Notre chambre est dans l'hôtel de La Terrasse, qui ressemble à un hôtel allemand ou belge avec son soubassement vermillon. J'espère que jamais personne n'aura l'idée de repeindre tout cela en blanc. Départ demain. Arrivée pour le déjeuner. J'ai promis que nous mangerions des soles. Aucun fruit de mer, en revanche pour Élise. On ne sait jamais.

Nous rentrons le 22 août. Ce sera comme une lune de miel renouvelée... Je suis très heureux.




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jeudi 22 août 2024 vendredi 22 août 2014 Je relis ce que j'ai écrit la dernière fois ici et j'ai des larmes dans les yeux. Il n'y a pourtant pas bien longtemps, mais, c'est comme si j'y évoquais un temps passé, lointain, fait de bonheur, d'espoir et de désir. Rien n'est plus comme dans ce temps-là.

Comment oublier cette nuit, la veille de notre départ pour Fort-Mahon, quand Élise a été prise de contractions violentes. Ensuite, cela a été très rapide. Le SAMU est arrivé. Nous sommes partis à l'hôpital et je reverrai souvent je crois dans mon souvenir la tête de la femme qui m'a annoncé qu'Élise avait perdu son bébé, notre bébé.

Elle est restée une journée en observation à cause des saignements et puis elle est rentrée. Mais, c'était comme si elle était une autre femme, une inconnue. Elle ne voulait d'ailleurs pas que je m'approche d'elle, même pour la serrer dans mes bras et elle s'enfermait dans un mutisme inquiétant. Il n'était évidemment plus question de partir à la mer. Mais, prétextant le fait que sa valise était prête, elle m'a dit qu'elle partait chez ses parents et qu'elle souhait y aller seule. Ses parents habitent dans l'Indre, un peu au sud de Châteauroux, à Saint-Sévère-sur-Indre. Il n'y a pas la mer, dans ce gros bourg, seulement quelques souvenirs de George Sand.

Depuis, elle ne me prend pas au téléphone. C'est comme si elle me jugeait responsable de ce qui nous arrive. Je suis donc resté seul à Vitry, ruminant ma peine.




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mardi 3 septembre 2024 mercredi 3 septembre 2014
Je suis allée chercher Élise à la gare d'Austerlitz. Elle m'a appelé et m'a demandé de venir la chercher et je n'ai pas demandé d'autre précision que l'heure à laquelle arrivait le train. J'aurais pu tout aussi bien demeurer toute la journée à la gare d'Austerlitz à guetter l'arrivée de tous les trains venant de Châteauroux ou s'y étant arrêtés. Je l'ai serrée très fort dans mes bras et elle m'a serré elle aussi. Mais nous ne nous sommes pas embrassés. Peut-être parce que nous pleurions l'un et l'autre.

Dans la voiture, j'ai pris des nouvelles de ses parents et de son frère. Elle m'en a donné assez laconiquement. Elle m'a demandé si j'avais quitté Paris, si j'avais pris du repos. Je lui ai dit que j'étais resté ici et que je m'étais promené dans la capitale. Elle n'a pas demandé de détails.

Quand nous sommes arrivés à l'appartement, elle m'a dit que c'était propre et bien rangé. J'avais évidemment pris soin de faire disparaître tout ce qui pouvait rappeler la grossesse. Fort heureusement, il n'y avait pas grand chose. Le plus dur aura été de déjouer les algorithmes des réseaux sociaux et des cookies publicitaires. Mais je les ai détournés, je crois. Avec un peu de patience, on peut y parvenir.

Elle est maintenant partie se coucher. Je lui ai demandé si je devais dormir dans le salon. Elle m'a dit qu'elle voulait dormir avec moi. Elle m'a dit qu'elle m'aimait et je lui ai répondu que je l'aimais aussi. Et nous avons encore pleuré l'un et l'autre.

Je ferme ce carnet et je la rejoins donc.




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lundi 9 septembre 2024 mardi 9 septembre 2014 Nous retardons tous les deux, d'un commun accord tacite, une explication qui n'a cependant peut-être pas besoin d'advenir. Il semblerait que cela arrive souvent dans les couples, par exemple en cas d'adultère découvert. On n'en parle pas et cela évite d'avoir à dire et même à penser que l'on n'en parle plus, puisqu'on n'en a jamais parlé. Il ne s'agit pas d'un non-dit, ni même, pas encore, d'un refoulé, mais d'une sorte de black-out affectif qui confine au mutisme.

Le quotidien nous aide énormément dans ce mutisme sur notre histoire et surtout le quotidien du mois de septembre qui est toujours frénétique. Elle court. Je cours. Nous courons semble bien être la conjugaison à la mode.

Nous ouvrons l'exposition bientôt. Il s'agit d'artistes de rue à qui l'on a proposé de travailler sur des supports pérennes. On verra bien.

Élise a un emploi du temps convenable cette année. Je pense que le principal du collège pensait qu'elle serait en congé de maternité dès avant la fin du premier trimestre. Il a donc pris les devants pour qu'elle puisse être remplacée le plus facilement possible. Il n'est cependant pas certain qu'elle parvienne à travailler tout le trimestre. Je l'entends parfois encore pleurer le matin dans la salle de bain.

Nous n'avons pas refait l'amour.





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mardi premier octobre 2024 mercredi premier octobre 2014
C'est une catastrophe. J'apprends que le prix du timbre postal va augmenter de dix centimes d'euros. Pour les ménages, ce n'est pas grand chose, peut-être. Mais pour les institutions, cela va augmenter singulièrement leur ligne budgétaire consacrée aux invitations postales et aux envois de leurs programmes, revues, publications diverses. Il faudra bien un jour se pencher sur tout ce papier utilisé par ces institutions et qui part le plus souvent directement, ou au moins assez rapidement, à la poubelle.

Pourtant, on a bien essayé de s'en passer, mais l'invitation papier envoyée par la poste reste encore le meilleur moyen de capter l'attention des professionnels. En effet, le professionnel se plaint toujours de recevoir trop de courriels mais ne se plaint jamais de voir pleine sa boîte aux lettres. Au contraire, plus il ou elle reçoit d'invitations, plus elles sont lourdes, plus il ou elle se sent important·e.

J'ai eu une copine qui travaillait dans la mode. C'était assez incroyable. Elle recevait les invitations aux défilés par coursier et son nom était calligraphié à la main (pléonasme). Cela signifie qu'il y a à Paris des armées de calligraphes qui font cela toute la journée, sans doute, pendant la fameuse fashion-week.

Moi, je suis invité dans les centres d'art de banlieue parisienne et parfois au Palais de Tokyo. Les invitations ne sont pas calligraphiées. Mais, elles n'en sont parfois pas moins lourdes.




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jeudi 3 octobre 2024 vendredi 3 octobre 2014 J'aurais bien proposé à  Élise que nous allions à Reims ce weekend pour le festival de musiques d'aujourd'hui Elektricity. Nous avons renoncé. Cela rendait le weekend trop onéreux, entre le prix des billets de train, des billets d'entrée aux concerts et la nuit d'hôtel, ce sont 500€ que nous n'avons pas vraiment en ces temps de taxe d'habitation à payer.

Cela fait plusieurs années que je me dis qu'il faudrait mensualiser tout cela et à chaque fois j'oublie. Ce n'est pas très malin.

Donc pas de festival à Reims, ni d'ailleurs Joseph Nadj à Orléans qui présente sa dernière création, intitulée Paysage inconnu au Centre chorégraphique d'Orléans. J'aurais pourtant bien aimé et les places ne sont pas chères. Mais sauf à avoir une voiture, impossible de rentrer d'Orléans à Vitry après le spectacle.
Je pense tout compte fait que nous irons voir l'exposition Hokusai au Grand Palais en espérant qu'il n'y aura pas trop de monde.Peut-être qu'en y allant dimanche en deuxième partie de l'après-midi, il y aura moins de monde. Déjà, il n'y aura pas ou presque d'enfants pour qui le peintre de la grande vague qui est sur leur trousse ou leur classeur est une star. Mais dimanche, ça ferme à 20h. Allons-y aujourd'hui, ça ferme à 22h. On pourrait y aller directement après le boulot.
Mais, ce que j'aimerais vraiment faire, c'est aller à Lausanne au musée de l'Élysée pour voir l'exposition du photographe Matthias Bruggman sur la Syrie. Ce n'est pas la peine de rêver. Lausanne est une des villes les plus chères d'Europe. J'attendrai qu'il soit exposée dans sa galerie parisienne, chez Polaris.

Je vais demander à Élise ce qu'elle préfère. C'est mon tour de choisir, la semaine prochaine, ce sera le sien. Nous avons mis au point ce protocole et ça marche assez bien.




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dimanche 13 octobre 2024 lundi 13 octobre 2014 La fréquentation désormais assidue des lieux de spectacle n'arrange pas nos finances mais nous a rapprochés. Je ne sais pas si les sociologues ont étudié les liens entre le spectacle et la sexualité des spectateurs, mais cela pourrait être un argument pour essayer d'augmenter la fréquentation des jeunes des théâtres de création. On le subodore bien sûr pour le cinéma et la scène de drague dans la salle obscure est même un classique du genre. Je n'ai pas d'exemples en tête s'agissant du théâtre. C'est aussi sans doute qu'il y fait moins sombre et que surtout, l'écran, lui ne voit rien de la salle quand les comédiens peuvent voir le plus souvent ce qui s'y passe. Et d'ailleurs, même s'ils ne peuvent pas le voir, le simple fait que les comédiens soient des personnes qui peuvent voir suffit à calmer les ardeurs. Mais il y a aussi que s'il est culturel de se rouler des pelles au cinéma, et que, sauf dans de très rares cas, les autres spectateurs n'en prennent pas ombrage, sauf si ça va un peu trop loin et que le cinéma n'est pas un cinéma pornographique, il serait mal vu d'être trop démonstratif au théâtre. C'est qu'il est difficile de regarder la scène tout en s'embrassant. Bref, le théâtre ne sera jamais un lieu de drague. Quant au spectacle de danse, il peut rendre complexé de ne pas avoir le corps des danseuses et des danseurs. Le spectacle de danse est inhibiteur, sauf dans de rares cas qu'il faudrait identifier.

Mais, c'est en revenant d'un spectacle à Nanterre que nous avons fait l'amour de nouveau Élise et moi, ce que nous n'avions pas fait depuis des mois. Nous étions comme des adolescents qui le faisaient la première fois, redoublant d'attentions et de pudeurs.

Ensuite, nous avons pleuré.




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lundi 21 octobre 2024 mardi 21 octobre 2014 Christophe de Margerie, le patron de Total, est mort hier dans le crash de son avion privé sur un aérodrome russe. Les médias ne parlent que de cela ou presque. Du coup, tout le monde ne lui trouve que des qualités, depuis François Hollande en passant par Manuel Valls, Emmanuel Macron, Michel Sapin, Ségolène Royal, Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin. Il n'y a que l'extrême-droite pour apporter des bémols au concert de louange et aussi l'extrême-gauche en la personne de Florian Philippot, d'une part et de Gérard Filoche, d'autre part.

Ce qui est le plus intéressant, c'est l'éloge de Vladimir Poutine et de Dimitri Medvedev, c'est à dire des deux personnes dont beaucoup croient qu'ils pourraient être les commanditaires d'un crime déguisé en accident. Cela dit, ça ne prouve rien. L'auraient-ils fait tuer qu'ils ne le diraient pas. Ses collègues grands patrons y sont aussi allés de leurs petites phrases.

Je parierais bien que dans quelques années, tout le monde ou presque aura oublié son nom. On se rappelle plus longtemps le nom de ceux qui ont piqué dans la caisse. On se souvient ainsi de Loïk Le Floch-Prigent, PDG d'une entreprise qui n'existe même plus sous ce nom.

Mais, nous nous moquons un peu de toute cette affaire. Ce n'est pas vraiment cela qui nous intéresse. Parfois, il me vient à penser que ce serait bien si Élise avait un retard de règles. Mais, je ne lui poserai aucune question. Pas question de recommencer le cirque de l'hiver et du printemps dernier. Cette histoire de grossesse a failli nous coûter notre couple, je vais attendre qu'elle en parle, voire que ça se voie.




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dimanche 27 octobre 2024 lundi 27 octobre 2014 Je suis heureux que Dilma Rousseff ait été réélue pour quatre ans à la présidence du Brésil, même si c'est de justesse. Je suis heureux, bien sûr, parce qu'elle est une femme, mais aussi et surtout parce qu'elle est une femme qui a lutté contre la dictature militaire, torturée et emprisonnée par les fascistes. Mais cela, je crains que les fascistes, ses adversaires, ne le lui pardonnent pas. Elle est le symbole vivant de leur défaite face à l'histoire et ils attendent toujours leur revanche.

Nous avons parfois pensé partir en Amérique du Sud. Élise parle un peu portugais et moi un peu espagnol. Certes, ni l'un ni l'autre ne maîtrisons l'une des deux langues pour envisager une communication fluide et surtout professionnelle. Mais, c'est comme une sorte de rêve adolescent qu'il faudrait accomplir.

Je n'ai rien dit mais en descendant la poubelle hier, j'ai vu qu'il y avait l'emballage d'un test de grossesse. Mais je pense que si le test avait été positif, elle me l'aurait dit. D'ailleurs, je crois avoir vu aussi un petit sac blanc caractéristique de ceux qu'elle utilise pour ses protections usagées. En tout cas, c'est certain, ce n'est pas moi cette fois qui ouvrirai le sujet.

D'ailleurs, moi non plus je ne sais pas bien où j'en suis avec mon désir de paternité. En tout cas, il a évolué. Il est moins impérieux comme si mon inconscient avait compris que la sorte de frénésie que j'avais mis à désirer cette grossesse relevait en quelque sorte d'un désir de castration. C'est pour cela que cela ne pouvait pas marcher.




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lundi 18 novembre 2024 mardi 18 novembre 2014
Je pense vraiment qu'Élise est enceinte mais qu'elle ne veut pas le dire. Je ne crois pas avoir remarqué qu'elle a eu ses règles, mais je ne peux évidemment pas en être certain. Si elle l'est, il viendra bien un moment où elle ne pourra pas le cacher. J'essaye de ne pas être trop intrusif, de caresser son ventre pour le plaisir et non pour tenter de déceler un arrondi nouveau. De toute façon, si elle est enceinte, il est trop tôt pour que ça se voie. C'est interminable l'attente d'une grossesse. Mais comment faire pour ne pas attendre ?

En attendant, ou sans attendre, nous continuons à fréquenter assidument les salles de spectacle. Nous avons eu la chance d'être invités hier soir au Café de la danse pour le lancement du dernier album de Baptiste Trotignon. Ce qui est formidable chez lui, outre le fait qu'il est un très grand musicien, c'est qu'il est sympathique. Élise le trouve aussi beau garçon. Elle a sans doute raison. Je ne sais pas. Sans doute un peu. Mais ce qui m'ennuie, c'est que je ne lui ressemble pas du tout. Bon, je ne vais pas commencer à délirer.

Quand nous sommes rentrés du concert, nous avons très bien fait l'amour. J'espère qu'elle ne pensait pas à Trotignon. De toute façon, il porte ostensiblement une alliance.

Bon, je conviens qu'il est assez joli garçon, mais qu'il n'y a pas de quoi se retourner dans la rue.

Je suis jaloux. C'est rigolo.







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mercredi 20 novembre 2024 jeudi 20 novembre 2014 C'est fait. Élise a avoué... non pas qu'elle serait amoureuse de Baptiste, mais qu'elle avait bien un retard de règles. Comme si j'étais un expert en gynécologie, je lui ai dit que ça arrivait, que ça ne voulait pas dire qu'elle était enceinte. Elle a acquiescé. Elle a répondu qu'elle ne m'avait pas dit qu'elle était enceinte mais juste qu'elle avait un retard de règles. J'ai donc décidé de ne pas lui demander si elle avait fait ou non un test de grossesse. J'ai senti que ce n'était pas le moment.

Et puis, je me suis demandé avec un peu d'angoisse et aussi de tristesse si ce serait jamais le moment que je m'en mêle. Je me souviens de sa première grossesse. Nous avions partagé quelque chose, dans l'espoir comme dans la souffrance et ce, jusqu'à la rupture de notre couple. Cette rupture, si elle a été provisoire, a été bien réelle et aurait tout aussi bien pu être définitive. Tant pis, je dois accepter maintenant de me tenir à l'écart. Si elle a considéré que la première fois j'avais mis trop de pression, je ne dois pas insister cette fois-ci et tenter de me faire le plus léger possible.

Je vais donc faire comme si ça n'existait pas.

Mais je ne suis pas certain non plus que ce soit la bonne attitude.

Je vais imaginer que je suis enceint. C'est stupide. Je ne peux pas y arriver. Je vais donc essayer d'être attentif et joyeux. Ce n'est pas si facile.




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jeudi 12 décembre 2024 vendredi 12 décembre 2014
Je suis triste.

Elle m'a dit que nous devions parler et nous avons donc parlé.

Elle a décidé qu'elle passerait sa grossesse chez ses parents à la campagne, qu'elle arrêtait de travailler, que le médecin lui a fait un arrêt de travail en écrivant qu'il fallait qu'elle reste allongée, qu'elle serait mieux chez ses parents dans la chambre qu'elle occupait quand elle était adolescente, que c'était sa grossesse et pas notre grossesse.

Je n'ai rien dit.

Elle a ajouté que je jouerais mon rôle de père quand l'enfant sera né, qu'elle ne voulait pas que j'assiste à l'accouchement mais que je pourrai venir quand elle aura accouchée, que nous nous parlerons au téléphone le dimanche.

Je n'ai rien dit.

Je pourrais interpréter cette sorte de régression infantile. Je pourrais penser qu'elle veut jouer à la poupée. Je pourrais faire mille interprétation, y compris celle qu'elle ne souhaite pas que je la voie avec un gros ventre, qu'elle souhaite rester désirable. C'est un peu un manque de confiance car je la trouverai désirable, même avec un gros ventre.

Mais, je n'ai rien dit.




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mercredi 18 décembre 2024 jeudi 18 décembre 2014 Nous allons passer noël chez ses parents. Ou plutôt, je vais la rejoindre chez ses parents pour noël. Il faut que je trouve un cadeau pour ses parents et je vais faire comme d'habitude : un outil de jardinage ou de bricolage pour le beau-père et un parfum pour la belle-mère. Elle s'écrira comme chaque année que j'ai vraiment bon goût. Ce n'est pas tant que j'ai bon goût que je remarque les publicités que l'on voit le plus dans les magazines ou à la télévision.

Pour Élise, ce sera un livre sur l'art. On a édité de beaux catalogues ces derniers temps, qui sont un peu chers et qui constituent donc de très jolis cadeaux. Je connais évidemment parfaitement ses goûts. Il n'y aura pas de mauvaise surprise. Enfin je l'espère. Peut-être que la grossesse modifie aussi les goûts artistiques.

La grossesse se passe bien. C'est ce que dit l'obstétricien. Enfin, c'est ce que me répète Élise car je n'ai évidemment pas la droit de l'y accompagner. Cela va être difficile de me construire une paternité. J'espère qu'elle me laissera un peu de place à la naissance.

Je pense qu'elle devra consulter. La grossesse interrompue est un traumatisme qu'elle n'a pas résolu. J'ai fait de mon mieux pour l'y aider mais je n'ai visiblement pas réussi.

C'est peut-être mieux qu'elle se tienne à distance tant que ne sera pas déterminée la place que j'ai tenue ou que je tiens encore. Il faudra que je quitte cette place. Il le faudra absolument.




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jeudi 26 décembre 2024 vendredi 26 décembre 2014 Nous sommes rentrés ensemble de chez ses parents, des cadeaux pour le bébé plein le coffre de la voiture.

Pendant tout le trajet du retour, qui dure environs deux heures, Élise a gardé une main sur la mienne et l'autre sur son ventre. Quand je tournais le visage vers elle, elle souriait. Elle semblait heureuse.

Une fois rentrés chez nous, elle a rangé les cadeaux dans les armoires et placards disponibles et m'a dit qu'il faudrait que nous pensions à aménager la chambre avant qu'elle ne puisse plus m'aider. Je lui ai demandé si ce n'était pas un peu tôt mais elle m'a répondu qu'il n'était jamais trop tôt. Nous irons chercher de la peinture et des meubles samedi prochain, quand le rush de la fin d'année sera terminée.

Nous allons dormir ensemble, blottis l'un contre l'autre.

Nous allons bientôt commencer à chercher des prénoms. Elle veut des prénoms qui puissent être portés par les garçons et par les filles et je suis bien d'accord. Nous éviterons cependant Dominique, qui est un peu vieilli et appelle toujours des plaisanteries idiotes. Claude aussi est vieilli. Tout le monde a oublié que Marie peut être un prénom masculin. Je pense que pour ma part, je voterai pour Camille. Et en plus, il est revenu au goût du jour.

Nous sommes heureux, je crois.