Diégèse Les narratrices et les narrateurs
Journal de Pascaline en 2015 - 40 jours -
Pascaline vit et travaille à Amiens dans la Somme.











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vendredi 5 janvier 2024 lundi 5 janvier 2015 Il y avait la queue devant la porte du cabinet quand je suis arrivée ce matin. J'étais pourtant très en avance. C'est toujours comme ça après les fêtes. Le premier jour, tous les bobos de la terre arrivent ici en masse. Mais, parmi les bobos, il peut y avoir des pathologies plus sévères. Je me souviens de ce collègue qui n'avait pas distingué le risque de péritonite chez un patient qu'il croyait atteint d'une gastro entérite de saison. C'était il y a longtemps. Mais, le patient est mort. Aujourd'hui, nul doute qu'il y aurait procès. Fort heureusement, il n'y avait rien de très sérieux. J'ai quand même envoyé à l'hôpital une très jeune femme qui avait mal au ventre, davantage pour la rassurer sur le fait qu'elle ne pouvait ressentir les douleurs d'une grossesse extra-utérine cinq jours après un rapport sexuel. Elle était dans un tel état de stress, qui expliquait d'ailleurs ses douleurs abdominales, que j'ai préféré la confier à un gynécologue dont la spécialité inscrite sur sa blouse saurait peut-être la calmer. Je m'en veux de ne pas lui avoir demandé qui serait le père putatif de la grossesse putative.

Demain, c'est pour moi le jour des visites. Je commence par Madame Grandjean. Je ne sais pas dans quel état je vais la trouver.




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mercredi 17 janvier 2024 samedi 17 janvier 2015 Je devrais peut-être ouvrir exceptionnellement le cabinet le samedi matin. Plusieurs patients, qui sont d'ailleurs surtout des patientes, m'ont avoué devoir prendre des demi-journées de congé pour venir me voir, parfois même, pour celles qui travaillent le plus loin, une journée entière et ce, pour une visite de routine, un renouvellement d'ordonnance. J'hésite. Il faudrait déjà que je trouve un remplaçant pour le jeudi. Mes vacations à l'hôpital sont nécessaires, mais le cabinet reste fermé.

Je vais aller tout à l'heure aux obsèques de Madame Grandjean. Quand je suis allée la voir, le 6  janvier, elle était très affaiblie et très confuse. Sa fille, qui avait promis de passer tous les jours, n'était pas venue depuis trois jours. Une fois à l'hôpital, elle n'a pas tenu bien longtemps. Le service de gériatrie est débordé. Mais, tous les services sont débordés et c'est aussi pour cela que je maintiens mes vacations du jeudi. Je ne peux pas les laisser tomber.

Nous étions 5000 samedi dernier dans les rues d'Amiens avec des pancartes « Je suis Charlie ». Soudainement, j'ai eu peur. Je me suis dit que toutes ces manifestations étaient des cibles rêvées pour les tueurs fanatiques. J'ai croisé quelques patients. L'une d'elle m'a embrassée, ce que bien sûr elle ne fait jamais quand elle vient au cabinet.




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lundi 29 janvier 2024 jeudi 29 janvier 2015 La bourgeoisie d'Amiens est bien fière de voir l'un de ses rejetons, pas bien vieux encore, ministre de l'Économie. Même une de mes patientes m'a parlé de lui. Mais, ce n'était pas innocent. Elle aime cancaner. Il paraîtrait qu'il a fauté jadis avec sa professeure de français d'un lycée privé de la ville. Grand bien leur fasse à tous les deux. Elle a ajouté qu'ils étaient désormais mariés et qu'elle suivait attentivement l'ascension de son jeune mari. Pas mal d'ailleurs le jeune mari... Peut-être un peu petit et beaucoup trop propre sur lui. En tout cas, il a recommencé à défendre dès aujourd'hui sa loi à l'Assemblée, qui est bien sûr une loi libérale dont on ne voit pas bien pourquoi elle est promue par un gouvernement de gauche. Il est vrai que Manuel Valls ne déparerait pas non plus dans un gouvernement de droite... Tout cela risque de mal finir. Les attentats ont brutalement soudé la Nation. Mais cette cohésion n'est qu'apparente.

Il paraîtrait que le ministre et sa femme se sont rencontrés à un cours de théâtre. Il est vrai qu'à l'Assemblée, on dirait qu'il joue un rôle. Il lui manque quelque chose que l'on pourrait appeler « sincérité » Ce ne sont peut-être pas ses talents de comédien qui ont séduit son enseignante. C'est en tout cas ce que suggérait assez crûment ma patiente.




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mercredi 31 janvier 2024 samedi 31 janvier 2015 Le premier mois de l'année est passé. Les affichettes « Je suis Charlie » commencent à se déchirer, lavées par la pluie.

Moi aussi, en ce début d'année, je compte les morts parmi les patientes et les patientes les plus âgés. Madame Grandjean a ouvert le sinistre cortège. Depuis, je crois bien qu'ils ont été une petite dizaine à partir. En fait, c'est toujours comme ça après les fêtes. Ils se fatiguent, on les bourre de chocolats et de foie gras. Ils veillent. Ils sont heureux de voir leurs enfants et leurs petits enfants et puis après, ils retrouvent leur ordinaire et leur solitude ordinaire. Les jours sont courts. Il fait froid. Les trottoirs sont propices aux glissades. Les plus pauvres s'intoxiquent encore au monoxyde de carbone, la petite retraite tarde à arriver sur le compte-chèques... On lâche.

Je déteste cette période de l'année. Heureusement, dans quelques semaines, les grossesses de l'hiver vont arriver. On ne raconte pas assez, je trouve la saisonnalité des pathologies.




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samedi 10 février 2024 mardi 10 février 2015 Je lis dans Le Monde que la Cour des comptes préconise de nouvelles économies dans les services publics locaux. Le journal publie une photo du président de la Cour des comptes, Didier Migaud, qui semble bien satisfait de lui. Mais le titre du Monde est inexact. Quand on lit l'article, il s'agit en fait d'arrêter de financer des projets coûteux qui ne servent pas à la population. Il s'agirait en fait de mieux organiser les services publics. Il demeure que le diagnostic est plus facile à réaliser que le remède n'est facile à trouver et surtout à appliquer.

Ici, les gens que je soigne sont pauvres et ils sont de plus en plus pauvres. Ils ne comprennent pas pourquoi leur situation ne s'améliore pas alors que le président de la République est socialiste, comme l'est le Premier Ministre. Cela suscite en eux plus que de l'incompréhension, un sentiment qui tourne à la haine, celle de qui se sent floué. Cela suscite aussi des sentiments anti Commission européenne féroces. Il n'est pas très difficile de deviner à qui tout cela profite.

Par ailleurs, Didier Migaud aussi a été socialiste.




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vendredi 16 février 2024 lundi 16 février 2015 Je suis passée hier dimanche devant la cathédrale et elle est en chantier. C'est une sacrée trouvaille, les cathédrales. Heureusement que l'État les a gardées après 1905, car, sinon, elles seraient toutes en ruine. Elles le sont d'ailleurs. Les travaux vont et viennent au rythme des priorités gouvernementales et il faut parfois attendre qu'un bout de gargouille manque de tuer une paroissienne pour que les chantiers démarrent.

Encore un lundi. Quand je pense à la souffrance que j'ai croisée encore aujourd'hui, je pourrais bien aller mettre un cierge à la cathédrale en travaux. Je ne peux pas décrire, même ici, dans le secret de ce journal, ces situations de misère qui se traduisent immanquablement par des pathologies diverses. Le moindre bobo qui disparaîtrait en quelques jours va s'infecter, nécessiter des soins longs et une hygiène impeccable qui sont incompatibles, par exemple, avec la vie dehors, surtout en février et surtout à Amiens. Le plus terrible, bien sûr, ce sont les enfants. C'est une sorte de Massacre des innocents permanent, la pauvreté.

Mais voilà que je me prends pour l'abbé Pierre... Courage. Il y aura un jour le printemps.




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mercredi 28 février 2024 samedi 28 février 2015 Ils n'arrêteront jamais jusqu'à nous envoyer dans un mur qui sera trop dur pour nos crânes... Je lis dans Le Monde que la ministre de la Santé Marisol Touraine a arrêté la répartition d'un plan d'économie pour les hôpitaux de trois milliards d'euros. Si les hôpitaux pouvaient faire sans casse trois milliards d'euros d'économie, ça se saurait je pense. Je n'ai pas vu en tout cas quand je vais à celui d'Amiens qu'il y ait des économies flagrantes à effectuer. Il va falloir économiser 22 000 postes, réduire la durée des hospitalisations et encourager la chirurgie ambulatoire, celle où le patient sort le soir même de l'opération.

La manœuvre est grossière. Un patient qui sort le jour même... fait plus souvent appel à un infirmier pour les soins une fois rentré chez lui. Le coût est pris en charge par la sécurité sociale et par les mutuelles. Et donc, ce coût là, qui pèserait sur le budget de l'hôpital, donc principalement sur le budget de l'État va se déporter sur celui de la sécurité sociale et je parierais que dans quelques années, on va encore nous répéter que le déficit du budget de la sécurité sociale est en déficit.

Et l'extrême droite dira que c'est à cause des migrants. Quand l'extrême droite dit « les migrants », il faut comprendre « les arabes et les noirs » et peu importe qu'ils soient français depuis plusieurs générations. On reconnaît les fascistes français à leur goût de l'atténuation et à leur sens de la nuance. Mais on comprend quand même très bien ce qu'ils veulent dire.




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samedi 2 mars 2024 lundi 2 mars 2015 Tout à l'heure, j'entre dans la salle d'attente pour appeler la patiente ou le patient suivant et je vois la jeune X. tout excitée sur sa chaise. Comme je la sais atteinte de troubles  bipolaires, je la fais entrer tout de suite. Je n'aurais pas voulu qu'elle décompense dans la salle d'attente. Je la fais assoir. Elle a un magazine que je n'identifie pas. Je lui demande ce qui se passe et elle me dit en larmes qu'elle ne savait pas que Guillaume Henry avait quitté la direction artistique de Carven et que ce sont deux jeunes hommes qui lui succèdent. Si je sais bien que Carven est une marque de mode et de parfum, plutôt associée aux personnes âgées, j'avoue n'avoir jamais entendu parler de Guillaume Henry ni de ses successeurs. X me dit qu'il s'agit d'Alexis Martial et d'Adrien Caillaudaud et elle me demande si je veux savoir quelle est leur biographie. Elle ajoute en faisant un clin d'œil qu'il s'agit d'un binôme et d'un couple.

X semble étonnée que je ne partage pas son enthousiasme à l'annonce d'une nouvelle aussi extraordinaire. Si X travaillait dans la mode, cela pourrait être compréhensible, mais elle est au RSA à Amiens et n'a rien qui puisse la rapprocher de la mode ni même du prêt à porter.

Je ne fais pas semblant de m'intéresser à cette histoire de styliste chez Carven. Je prends sa tension artérielle, qui est un peu haute. Je lui demande d'enlever le haut pour que je puisse l'ausculter correctement. Je remarque qu'elle a des bleus aux deux poignets et aussi au niveau des biceps. Je vais appeler la directrice du foyer où elle réside pour l'avertir et lui demander si elle a remarqué quelque chose. Vu son état d'excitation, je ne demande pas à X de quoi il s'agit mais lui dis que je dois la revoir dans trois jours.




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mercredi 6 mars 2024 vendredi 6 mars 2015 Je lis dans Le Monde daté de ce jour que selon une étude de l'OCDE, les garçons réussissent moins bien à l'école que les filles. Si j'en crois ma patientèle, cela doit être d'autant plus vrai après la puberté.

La puberté féminine engendre souvent des comportements un peu agaçants. La puberté masculine est le plus souvent une catastrophe. Le jeune mâle peine à se laver, surjoue le registre grave de sa voix, tait volontiers ses maux et n'a d'ailleurs pas toujours les mots pour en parler. Cette sorte d'affliction est d'ailleurs assez peu sensible à la réussite scolaire. Le matheux boutonneux n'est pas un poncif. Il existe, j'en rencontre chaque semaine. Tant est si bien que quand je vois un jeune homme, propre, bien habillé, qui se tient droit et parle distinctement, j'ai tendance à penser à une orientation sexuelle homophile. Je me reproche ce tropisme, mais je tombe souvent juste... sauf quand la jeune fille compagne un peu durable de l'hirsute puant prend les choses en main et arrive à peu près à corriger son hygiène.

Elle ne parviendra cependant pas à corriger sa posture... justement parce que le jeune homme, même devenu grâce à elle un peu plus civilisé, ne voudrait pas être assimilé à la catégorie précédente.




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mercredi 20 mars 2024 vendredi 20 mars 2015 Demain, c'est le printemps... Et l'on dirait que le printemps appelle les maladies vénériennes. J'ai eu une patiente et deux patients rien qu'aujourd'hui, avec des symptômes évocateurs de blennorragie. Rien de bien grave à ce stade, mais il faudra quand même attendre le résultat des examens. J'en ai profité pour prescrire des tests H.I.V. à tout ce petit monde. L'un des deux garçons m'a dit qu'il ne pouvait pas avoir attrapé le SIDA (sic) parce qu'il n'était pas homosexuel. La jeune femme a demandé si les femmes aussi pouvaient avoir le SIDA. Et on est en 2015... Quant à l'autre jeune homme, il a baissé la tête et il n'a rien dit. Alors, j'ai compris et je ne lui ai rien demandé. Mais je suis certain qu'il a des pratiques homosexuelles qu'il ne veut pas m'avouer. Je l'ai envoyé au prétexte d'un complément d'examen chez un collègue homme, vénérologue et je lui ai passé un coup de fil après la consultation. Je pense qu'il faut qu'il l'examine... devant et derrière, et que c'est mieux que ce ne soit pas moi qui le fasse.

Tout cela m'a déprimée. Que ces jeunes prennent des risques, c'est déjà déprimant. Mais qu'ils en prennent en ignorant ou en feignant d'ignorer qu'ils en prennent, c'est encore plus déprimant. pourtant, il y a tout ce qu'il faut à Amiens comme associations de prévention. Certes, les deux garçons sortent d'une institution catholique. Ceci explique peut-être cela. Je crois bien d'ailleurs que le second m'a confié un jour qu'il voulait être prêtre. Pourquoi pas  ? Mais... il serait préférable alors qu'il assume et qu'il fasse vœu de chasteté en connaissance de cause.





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samedi 30 mars 2024 lundi 30 mars 2015 J'ai revu le garçon que j'avais envoyé chez le vénérologue et j'avais bien fait. Je ne vais pas décrire ici ce qui lui était arrivé. Je n'en ai vraiment pas envie. En revanche, le résultat des analyses était limpide. Ce garçon a contracté la syphilis. Je lui ai demandé de revenir me voir dans deux jours et lui ai annoncé que j'allais devoir l'interroger sur ses partenaires et qu'il devrait les prévenir, soit parce que ce seront elles ou eux qui l'auront contaminé, soit parce qu'il y a un risque que ce soit lui qui les ait contaminés.

Je suis un peu inquiète. Ce garçon m'a semblé désespéré. Je lui ai assuré que la syphilis se soignait très bien et qu'il n'aurait aucune séquelle. Pendant un long moment, il n'a rien dit puis il a murmuré : « le Seigneur m'a puni. » Je lui ai dit que le Seigneur avait certainement autre chose à faire et qu'il n'infligeait pas de punitions mais qu'au contraire, il guérissait et sauvait.

Heureusement que j'ai encore quelques restes de mon catéchisme. Dans une ville comme Amiens, c'est plus que nécessaire. Il faudrait quand même que je trouve un prêtre qui puisse le confesser et l'absoudre. Je vais demander à une sœur qui vient consulter à mon cabinet.




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lundi premier avril 2024 mercredi premier avril 2015 Je n'ai pas trouvé de prêtre qui me semble prêt à l'accompagnement spirituel du jeune pécheur, mais, celui-ci est revenu ce matin avec la liste des personnes avec qui il a eu récemment des relations sexuelles. Il a d'abord sorti de son sac un livre assez épais et j'ai failli plaisanter en feignant de croire qu'il s'agissait du recueil de ses frasques. Mais, même si c'est le premier avril, j'ai bien compris que ce n'était pas le moment de plaisanter, surtout que le livre en question était la bible.

Il a donc posé la bible sur mon bureau. Il a posé sa main droite sur la bible. J'ai remarqué que sa main tremblait terriblement. De l'autre main, il m'a donné un papier avec trois noms et des dates. Au regard de l'évolution de son infection, il ne pouvait s'agir d'aucune de ces personnes, ou bien alors les dates étaient fausses. Je le lui ai dit. Sa main a tremblé encore davantage et dans un souffle il m'a dit : « Je ne connais pas le nom des autres. »

Je lui avais prescrit la batterie de tests habituelle : le VIH bien sûr, toutes les hépatites et encore d'autres MST. J'ai donc pu le rassurer sur sa santé, au-delà de la syphilis. Mais je lui ai aussi dit qu'il allait devoir me dire quelles étaient ses relations sexuelles et pourquoi elles étaient suffisamment à risque pour qu'il ait contracté la syphilis. Toujours dans un souffle, la main tremblante sur la bible, il a murmuré : « je suis pris par le démon » ; ce à quoi j'ai rétorqué que nous avions en ville de très bons exorcistes et que je l'accompagnerai aussi dans cette démarche, mais, que dans cette attente, je lui conseillais de s'abstenir de toute relation sexuelle avec autrui. J'ai cru devoir ajouter que la masturbation était autorisée. Le jeune homme s'est signé.




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dimanche 7 avril 2024 mardi 7 avril 2015 Je suis durablement agacée par cette histoire de syphilis chez un jeune homme qui, à l'évidence, ne peut en parler à personne autour de lui. Certes, ce n'est pas facile de dire, en règle générale, que l'on a attrapé une M.S.T. Mais dans son cas, ça tourne au cauchemar. La bonne société catholique amiénoise, qui n'a rien à envier, je pense, avec les bonnes sociétés catholiques des autres villes en France, voire au-delà, est particulièrement hypocrite et adepte de l'adage anglo-saxon : « don't ask don't tell ». Toutes les pratiques sexuelles y coexistent et je suis certaine qu'il y a au moins autant de clubs échangistes que de bars gay et l'on serait certainement étonné de savoir qui fréquente les uns et les autres. Si les seconds sont sortis de la clandestinité, les premiers n'ont pas toujours pignon sur rue et il faut être coopté pour pouvoir s'y montrer. L'échangisme est souvent classiste et d'ailleurs surtout bourgeois.

Je ne sais pas trop quoi faire pour accompagner ce jeune homme. Il va guérir rapidement et il n'aura pas de séquelle, la maladie ayant été diagnostiquée et traitée assez tôt. Je lui ai demandé de revenir me voir dans dix jours. Je lui prescrirai de nouveaux examens et d'ici là, je vais essayer de trouver une ou un psychologue chrétien qui pourrait l'entendre. Aucun des ses partenaires potentiellement infectés n'est venu me voir. Cela dit, j'ai eu un autre cas de syphilis cette semaine. Mais cela m'étonnerait qu'il y ait eu une relation entre les deux hommes. Quoique... On ne sait jamais.




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jeudi 25 avril 2024 samedi 25 avril 2015
Je vais prendre quelques vacances. Cela me fera du bien. Cela peut sembler incroyable mais je n'arrête pas de soigner des patientes et des patients affectés par des M.S.T. On pourrait penser que le bouche-à-oreille fait son effet. Mais, je ne vois le plus souvent aucune relation possible entre ces différents patients. C'est à croire que les maladies volent en escadrilles. Quand il s'agit de virus qui se transmettent par aérosol dans les lieux publics, on explique cela facilement et cela s'appelle une épidémie, voire une pandémie. Mais, constater des M.S.T chez des patientes et des patients de tous les âges, qui n'ont aucune relation entre eux, c'est plus curieux. Ou bien alors, ils ne me disent pas tout ou bien encore, je ne comprends pas tout.

Je ne vais pas aller loin, sans doute en baie de Somme, pourquoi pas au Crotoy. Il y aura un peu de monde pour le weekend du premier mai, mais cela me changera les idées. Promis, je ne chercherai pas de symptômes évocateurs sur les personnes que je croiserai.




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lundi 29 avril 2024 mercredi 29 avril 2015 Je me demande si je ne devrais pas chercher à déplacer mon cabinet. Le Crotoy, par exemple, me semble très agréable. La population locale est plutôt âgée et aisée, donc avec des pathologies souvent bien identifiées. Certes, elle doit être un peu tyrannique, mais avec un peu d'autorité et de bienveillance mêlées, je devrais me débrouiller. Pendant la belle saison, il y a des touristes, qui apportent leurs pathologies habituelles, souvent avec des lettres de leur médecin traitant et qui attrapent des coups de soleil, des piqures divers des brûlures et la « tourista » à cause de coquillages qu'ils ont ramassés eux-mêmes malgré les interdictions et les mises en garde. Certes, il peut même y avoir des intoxications plus graves, mais c'est moins avec les coquillages qu'avec les produits ménagers des locations meublées que les petits enfants découvrent avec bonheur sous l'évier quand ils sont inaccessibles chez eux dans le placard du haut.

Après tout, je n'ai aucune attache ici, à Amiens. Peut-être pourrais-je d'ailleurs trouver quelque attache au Crotoy. Après tout, ça commence comme « crush » qui s'est imposé dans la langue à la place de « tilt », les flippers étant une espèce en voie de disparition. « Crush au Crotoy » serait un titre acceptable pour une romance.




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samedi 11 mai 2024 lundi 11 mai 2015
J'ai trouvé un cabinet au Touquet avec une patientèle à racheter. Mais je crains que ce ne soit trop cher pour moi. Je ne sais pas si la banque suivra. C'est un peu moins cher car il s'agit d'un cabinet d'un médecin qui était encore jeune, qui n'était pas encore bien implanté, qui avait racheté un patientèle vieillissante et peu dynamique. Le pauvre s'est tué en faisant ses visites à domicile. Il a glissé sur une plaque de verglas. Bon, ce n'est pas vraiment au Touquet mais à Étaples, de l'autre côté de la Canche, mais du côté de la gare et à quelques encablures de l'aéroport. Si ça marche, j'essaierai de me mettre en rapport avec la gare et avec l'aéroport pour être un des médecins que l'on appelle quand un voyageur est malade. Le plus souvent, il s'agit d'un peu d'anxiété, surtout pour l'avion, et il n'est pas vraiment nécessaire d'appeler les secours pour cela.

Cela fait bien une semaine que je n'ai pas eu de patient atteint d'une ou de plusieurs M.S.T. C'est sans doute que dans le milieu étudiant, on révise et au lycée, on prépare son baccalauréat. Mais je crains la période qui suivra les examens. C'est celle des fêtes. On exulte. On transgresse et il suffit d'une personne infectée pour que ça se propage. Rien qu'à l'écrire, ça me démange partout.




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dimanche 19 mai 2024 mardi 19 mai 2015 La piste du Touquet est abandonnée. Un gros cabinet a racheté la patientèle. Et puis, c'est une ville où il faut montrer patte blanche. On ne voudrait pas d'un médecin, femme de surcroit, révolutionnaire. Par « révolutionnaire », il faut comprendre «  de gauche  », car, ici, quand on est « de gauche », c'est que l'on est révolutionnaire. Cela vaut bien sûr pour le « bon côté » des rives de La Canche. Du mauvais côté, il y a la gare et du bon côté l'aéroport. Quoique maintenant, on ferait l'inverse. Sur l'aéroport, ce sont surtout des jets privés qui atterrissent. J'aimerais bien savoir qui va encore en jet au Touquet. Cela pourrait être une enquête intéressante pour un magazine d'investigation.

Mais, il faut que j'oublie Le Touquet et que je cherche ailleurs. En tout cas, je ne vais pas aller à la campagne, même s'il manque des médecins. Il faut faire trop de route et je n'en ai pas envie. En outre, les routes de Picardie sont souvent glissantes et les accidents nombreux.

Et si j'essayais Dieppe ? C'est décidé, j'irai voir Dieppe pour l'anniversaire du débarquement des troupes alliées en 1944. Ce n'est pas vraiment une plage du débarquement, mais tant pis.




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jeudi 6 juin 2024 samedi 6 juin 2015
J'avais complètement oublié que ce samedi était le 6 juin. Certes, les Alliés n'ont pas débarqué à Dieppe, mais peu importe, on commémore en grande pompe. Il faut dire que l'on préfère oublier la tentative de débarquement désastreux sur les plages dieppoise, le 19 août 1942, qui s'est soldé par le massacre de très nombreux soldats alliés. Fallait-il ce faux départ pour réussir le débarquement, plus au sud, du 6 juin 1944 ? Les historiens doivent avoir leur idée sur la question.

Impossible de parvenir ce matin dans le centre de Dieppe et tant mieux ! Je me suis détournée vers Le Tréport, au nord et j'ai bien fait. On cherchait justement un médecin pour succéder à un médecin de famille fatigué. S'il m'adoube, ce sera parfait. Du coup, je suis allée déjeuner au Homard bleu. Je n'ai rien pu faire pour le homard du vivier que j'ai choisi... Il y est passé. Je sais que ce n'est pas sérieux de célébrer quelque chose avant que ce soit bouclé, mais j'adore le homard.




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mardi 18 juin 2024 jeudi 18 juin 2015 Il se pourrait bien que l'installation au Tréport prospère. J'ai eu un appel du médecin qui veut céder sa patientèle et il m'a dit qu'il m'avait choisie. Je ne sais pas s'il avait tant de propositions pour se donner la possibilité de choisir. Mais tant mieux. Il m'a dit qu'il faudrait donc que je trouve un autre local puisque son cabinet actuel est situé au rez-de-chaussée de sa maison. Il souhaite récupérer ces locaux pour installer sa fille qui est dentiste. J'ai un peu tiqué, car cela n'était pas dans l'annonce que j'avais consultée. Cela change un peu tout. Déjà que les patients n'aiment pas changer de médecin, ils aiment encore moins changer de lieu de consultation. Je retourne donc au Tréport ce weekend pour essayer de trouver quelque chose de convenable et de pas trop cher. Il faut que l'on puisse se garer facilement et que ce soit à proximité de l'ancien cabinet. Je lui ai quand même demandé si l'on pouvait imaginer une période de transition pour ne pas trop brusquer la patientèle. Il m'a répondu qu'il fallait qu'il voie avec sa fille. Je le trouve un peu mollasson.

Il faut que j'annonce à mes patients d'ici que je vais déménager. Pas trop tôt. Pas avant d'avoir signé.




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lundi 24 juin 2024 mercredi 24 juin 2015 Encore raté. Le cabinet du Tréport m'est passé sous le nez. C'est incroyable. C'est à supposer qu'un de mes patients m'a jeté un sort ou bien que j'ai une mauvais réputation dans le milieu médical local. Ça, ce n'est pas impossible. La bonne bourgeoisie amiénoise n'a pas beaucoup apprécié que je diagnostique autant de cas de syphilis parmi les membres de sa progéniture et surtout, dans les institutions privées et jusqu'au séminaire. Si c'est ça, c'est vraiment trop bête car ce n'est ni moi qui les aie incités à la luxure et encore moins moi qui les aie contaminés. Ils devraient plutôt être heureux que je me charge de l'éducation sexuelle de leurs enfants alors qu'ils sont complètement défaillants en la matière.

Bon, je me raconte sans doute des histoires, mais je ne serais pas étonnée un jour d'avoir un appel du Conseil de l'Ordre assorti d'une demande d'explications. À moins que ce ne soit la Caisse d'assurance maladie. Bref. Cette ville m'est insupportable et il faut vraiment que j'en parte le plus tôt possible. Tant pis, cela m'aurait plus d'être au bord de la mer mais je vais devoir chercher dans la Picardie profonde, vers Saint-Quentin, ou, pire, Bohain-en-Vermandois.

Je sens que je vais déprimer.




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dimanche 30 juin 2024 mardi 30 juin 2015 Je crois que je sais désormais ce que je vais faire. Il y a un poste à l'hôpital de Chauny. C'est un gros hôpital entre Saint-Quentin et Soissons, qui fait référence pour tout le département de l'Aisne en pneumologie. Mais, je ne serai pas attachée à ce service. Je ferai des vacations en médecine interne.

Il faut donc que je trouve un cabinet pour exercer parallèlement en médecine libérale. Pourquoi pas à Chauny  ? Je pourrais même avec un peu de chance trouver une maison avec une vue sur l'Oise, ou plutôt sur le canal latéral à l'Oise ou sur le canal de Saint-Quentin. Mais, je rêve un peu, car il n'y a pas beaucoup de maisons qui donnent sur le canal et encore moins de maisons agréables.

Je vais aller visiter la ville samedi prochain. Quelque chose me dit que ça va marcher. Je ne pense pas qu'il y ait trop de médecins à Chauny et ma réputation de vénérologue improvisée n'est certainement pas arrivée jusque là. Et de toute façon, ce n'est absolument pas la même population qu'à Amiens.




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jeudi 4 juillet 2024 samedi 4 juillet 2015
Encore raté. L'hôpital de Chauny m'a appelé hier. Ils ont une baisse de crédits et ils ne pourront pas à la rentrée payer des vacations supplémentaires. Je n'ai donc aucune raison d'aller m'installer à Chauny, les promenades sur les bords de l'Oise n'étant pas une raison suffisante. D'ailleurs, ici, il y a la Somme et les hortillonages et un nombre infini de promenades à réaliser.

Je vais donc peut-être rester à Amiens. Mon cabinet marche bien, trop bien même. Cette envie de voir du pays me reprendra peut-être mais il faudrait sans doute alors que j'envisage d'aller plus loin que la Picardie.

Qu'est-ce que je fuis à Amiens ? Peut-être la solitude. Je donne tellement à mes patients que je ne prends aucun soin de moi. Je ne fais pas de sport. Je mange souvent n'importe quoi debout et trop vite. Je n'ai pas d'amis proches. Je n'ai pas d'amour ni d'amourettes.

Je n'ai pas de sexualité et ce ne sont pas toutes les maladies vénériennes que je croise et que je soigne qui me donnent envie de réessayer.

Je suis tellement enfermée dans ce rôle de médecin que je ne sais même pas écrire comment tout cela s'est noué.





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mercredi 10 juillet 2024 vendredi 10 juillet 2015 Bon, c'est décidé, c'est organisé, je ferme le cabinet du 14 juillet au 15 août inclus. De toute façon, le 15 est un samedi et je n'ouvre le cabinet qu'un samedi matin sur deux. Il faut encore que je décide où je vais partir. J'ai envie de soleil, mais je n'ai pas envie de la foule des bords de mer, ni même de celle des stations de montagne. Je pourrais être conduite à intervenir, qui pour une entorse, qui pour une intoxication aux fruits de mer. Quand on n'est pas médecin, on entend, je pense, de temps en temps, par exemple dans un train, une annonce demandant s'il y a un médecin à bord. Mais, comme par un fait exprès, quand on est médecin, on l'entend je trouve beaucoup trop souvent. Fort heureusement, je n'ai jamais rencontré de cas très graves pour lesquels la seule chose à faire est d'attendre les secours en compressant pour éviter une trop forte hémorragie. Mais, on dirait que j'attire les bobos de toute sorte. Une chose est sûre, c'est que l'on retrouve là une autre façon d'exercer la médecine, gratuitement, et que l'on reprend la place dont la technique et la science nous ont peu à peu éloignés, celle du rebouteux, du guérisseur et donc de la rebouteuse et de la guérisseuse. Si je change de ville l'année prochaine et que je quitte Amiens, dans mon prochain cabinet, je prendrai contact avec les rebouteux du coin qui ont une réputation certaine.

Mais, tout ça ne me dit pas où je vais partir en vacances, ni comment d'ailleurs. Encore faut-il que je trouve de la place quelque part.




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mardi 16 juillet 2024 jeudi 16 juillet 2015 J'ai failli partir pour Venise et fort heureusement, je n'ai pas trouvé de place. Venise au mois de juillet... Une tuerie hors de prix. Mais j'avais envie d'Italie. Naples était trop loin et sans doute trop agitée. Je ne vois pas ce que j'aurais pu faire à Turin ou à Milan. J'ai donc abandonné l'Italie et je suis partie en Espagne. Il n'y a rien de mieux que Madrid quand on est triste. Depuis l'atterrissage, j'ai dans la tête cette chanson sublimée par le beau Miguel Bose qui prétend que Madrid le rend triste.

J'ai connu il y a longtemps un homme qui ressemblait à Miguel Bose à la faculté de médecine. Mais, je n'ai pas envie de raconter cette histoire. Je l'ai croisé à Amiens récemment. Je ne sais pas à quoi ressemble aujourd'hui Miguel Bose mais lui ne se ressemblait plus vraiment. Je n'ai pu m'empêcher de penser, même si ce n'est pas très charitable, que c'était bien fait.

Ce type était un salopard.

Madrid, d'ailleurs, je crois, ne va pas me rendre triste particulièrement. Dès demain, je vais au Palais de cristal. Je n'ai pas cherché à savoir s'il y a une exposition particulière. Je verrai bien. Les hectares de jardin, au pire, me suffiront.

J'espère que je vais retrouver ce bizarre clip en noir et blanc réalisé par ce réalisateur dont le nom ressemble à celui d'Almodóvar mais qui n'est pas Almodóvar.

Je ne veux pas évoquer ce qui s'est passé à Nice avant-hier.







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mardi 30 juillet 2024 jeudi 30 juillet 2015 C'est dommage qu'il faille que je reparte bientôt, car, je me suis enfin habituée au décalage horaire. Il ne s'agit pas bien sûr du décalage solaire mais de celui du rythme de la journée. Je dois dire qu'avec la chaleur et la fatigue des derniers mois, j'ai été assez distraite et assez lente et suffisamment imprudente pour me faire voler mon sac-à-main. Fort heureusement, je garde de mes années routardes de bons réflexes et notamment celui de ne jamais rien mettre d'important dans le sac-à-main. Il n'y avait ainsi aucune pièce d'identité ni moyen de paiement. Les voleurs ou les voleuses ont ainsi gagné un sac-à-main usé qui n'est d'aucune marque ni même une copie d'aucune marque, un brumisateur d'eau minérale, un tube bien entamé de baume pour les lèvres et un vieux plan de Madrid tout déchiré. Je n'ai pas été le sac de l'année. Mais, peu importe, cela est désagréable. Je suis quand même allée porter plainte, pour le principe et parce que d'autres touristes moins prévoyantes pourraient connaître ainsi des mésaventures désagréables. Le policier était très sympathique, mais ne ressemblait pas à Miguel Bose. Je n'ai d'ailleurs pas rencontré beaucoup de garçons qui lui ressemblaient.

Je n'ai cherché à faire aucune rencontre. Je n'ai eu à soigner personne. J'ai un nouveau sac-à-main avec dedans les mêmes accessoires et le tout pour moins de trente euros.

J'ai fait de la barque dans le parc et ça, c'était vraiment bien.




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samedi 3 août 2024 lundi 3 août 2015
Amiens au mois d'août n'est pas vraiment la destination qui semble la plus glamour. Cela m'est un peu égal. J'ai rouvert le cabinet et comme il y a moins de médecins, je ne chôme pas. Mais en fait, je ne chôme jamais. Ce matin, jour de réouverture, des patients, qui étaient surtout des patientes, attendaient devant la porte quand je suis arrivée. Aucune n'avait pensé à me prendre un café. Cela arrive parfois. Les patientes et les patients habitués qui prennent le premier créneau m'apportent souvent un café qu'ils prennent au bar à côté. Il est vrai qu'aujourd'hui et pour trois semaines le bar est fermé. Il va falloir que je trouve une solution. Mais, de toute façon, je bois trop de café.

Je garde de mon séjour à Madrid, outre mon nouveau sac-à-main, le bonheur de faire de la barque. Or, s'il y a quelque chose que l'on peut faire facilement à Amiens au mois d'août, c'est de la barque, surtout pour visiter les hortillonages. Mais, je me demande s'il ne serait pas préférable d'acheter une barque, vu le prix de la promenade en barque de location.

C'est d'ailleurs peut-être une idée à creuser... Je vais passer mon permis-bateau, acheter un bateau où je pourrai vivre... et travailler. J'ouvrirai ainsi le premier cabinet médical fluvial itinérant.

Oui, je vais faire ça.




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lundi 5 août 2024 mercredi 5 août 2015 J'ai commencé à me renseigner sur les bateaux. C'est encore pire que pour les voitures, tant il semble être admis que pour acheter un bateau, il faut tout savoir des bateaux ou presque. Cela dit, c'est de bon sens. Il en va de même pour les maisons et les appartements, sauf que les connaissances nécessaires sont mieux partagées au sein de la population que celles relatives aux bateaux fluviaux. Fort heureusement, j'ai un mot de passe magique. La profession de médecin, une fois qu'elle est déclarée, force encore le respect et si je dis que je compte installer mon cabinet médical sur le bateau, l'enthousiasme est souvent au rendez-vous. Je devrais pouvoir m'en sortir pour cent-cinquante mille euros. Il faut encore que ma banque valide l'affaire. Je ne sais pas si ce type d'achat peut bénéficier des conditions favorables qui sont faites pour les prêts immobiliers, notamment en ce qui concerne la durée. Bref, ce n'est pas gagné, car, je n'ai rien à vendre, ni maison, ni appartement et je pense que je pourrais tirer cinq mille euros de ma voiture, que je ne vendrai pas, en ayant absolument besoin.

Les gens pensent que les médecins gagnent bien leur vie. C'est tout à fait exagéré. Je suis encore trop jeune peut-être, à moins que ce ne soient les conditions d'exercice de la profession qui se soient dégradées. Ou alors, il faut être médecin de mère (ou de père) en fille. Ce n'était pas mon cas. Je n'ai même jamais très bien compris ce que faisaient mes parents, à part le fait qu'ils travaillaient en cuisine... avant que l'usine ne ferme, bien sûr.

C'est très amusant de prendre rendez-vous pour visiter des bateaux. Mais il faudrait aussi que je commence à préparer le permis bateau. Je ferais peut-être mieux de chercher un mari sur Meetic... un mari avec un bateau par exemple.




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samedi 17 août 2024 lundi 17 août 2015 Je crois que je vais abandonner cette histoire de bateaux. Je n'ai pas les moyens. Ou, comme on dit aujourd'hui par anglicisme non reconnu  : je n'ai clairement pas les moyens. Acheter un petit bateau fluvial pour de la plaisance, ce serait encore possible. Mais, acheter un bateau aménageable en cabinet médical tout en conservant un espace dédié à l'habitation, cela demande un budget que je n'ai pas et que je n'aurai sans doute jamais.

Je vais rouvrir le cabinet lundi 31 août. Il faut bien. Et je vais aussi arrêter de chercher à déménager. Tous ces échecs m'ont fatiguée et vont finir par me donner une mauvaise idée de moi-même. Je vais continuer à soigner tous les gens qui ont l'habitude de venir me voir et tous ceux que je ne connais pas encore.

Je devrais peut-être changer de métier.

Ce qui ne me va pas, c'est que je ne peux pas proposer un parcours de soins à de nombreux patients faute de disponibilités dans l'agenda des spécialistes vers lesquels je dois envoyer certains d'entre-eux. C'est ce point que je devrais corriger, mais je n'ai pas vraiment idée de la solution, sauf à travailler à l'hôpital. Et encore. En médecine, surtout en France, tout est cloisonné et les patients voudraient que je sois Docteur House. Je ne suis pas lui, qui n'existe d'ailleurs pas et je ne serai clairement pas Doctor Boat.




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jeudi 29 août 2024 samedi 29 août 2015 Je suis très heureuse. Je suis allée voir la Ville et mon interlocutrice m'a semblé intéressée par mon projet de maison de santé pluridisciplinaire. Mais, elle a mis deux conditions : il faut que ce soit dans un quartier en politique de la ville et que le département de la Somme soit aussi partenaire. L'idéal serait que la Région et l'État le soient aussi. Mais ce n'est pas gagné. Cela n'entre pas du tout dans les compétences des régions dans le meccano territorial. En revanche, le département est en ligne de mire. Je vais aller voir un jeune qui est très actif ici depuis une dizaine d'années. Il a créé un journal qu'il distribuait à la criée devant la MJC en 1999, je crois. C'était pour dénoncer les mensonges du maire de l'époque. Il est journaliste. On le croise beaucoup car il tourne un film en ce moment. Il a peut-être fini d'ailleurs. En tout cas, si je veux donner un peu de visibilité à ma maison de santé d'un autre genre, il sera parfait. Je suis certaine que François Ruffin a de l'avenir. Tant mieux pour lui, on verra bien. Mon pitch est simple : la médecine pour les pauvres est une médecine pauvre. On soigne comme on peut. Les patients se tournent très vite vers l'hôpital, surtout quand ils viennent de pays où l'hôpital est le seul lieu possible dans lequel trouver des soins et des médecins. Un soin de meilleure qualité prendrait aussi en compte la situation psychologique des patients, leurs douleurs, leurs deuils, leurs traumatismes parfois. Il faudrait faciliter l'accès à des spécialités qui sont parfois plus rares. C'est difficile par exemple d'aller voir un dermatologue qui a l'expérience des peaux noires.

Mais je rêve sans doute.

En tout cas, si je veux rester dans la Somme, il n'y a que deux villes qui ont des quartiers en politique de la ville : Amiens et Abbeville. Je préfèrerais ne pas aller à Abbeville. J'en ai assez des trajets pour rien. Au moins, si c'est à Amiens, je peux continuer mes consultations ici tout en montant le projet. Je suis sûre que ça va marcher.




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lundi 2 septembre 2024 mercredi 2 septembre 2015
J'ai déjà le psychiatre, ou plutôt la psychiatre. C'est une femme qui était installée un temps à Manosque, mais ça n'a pas marché. Elle est prête à s'installer à Amiens. J'ai eu l'impression que quelque chose qu'elle taisait la poussait à quitter Manosque. Je n'ai pas posé de questions. Cela ne me regarde pas et après tout, c'est la psychiatre. Je trouve qu'elle me ressemble un peu. Mais je ne sais pas si c'est bon signe ou non. Au regard de mon incapacité à réussir à changer de ville, m'associer avec une psychiatre qui me semble elle aussi un peu empêchée, ce sera peut-être associer deux incapacités. Je voudrais aussi une ou un dermatologue, une ou un interniste spécialisé dans le traitement de la douleur.

Il aurait en ce moment beaucoup de boulot. C'est la rentrée et la pathologie favorite des élèves comme des profs est le mal de ventre. On dirait que soudain tout le monde a mal au ventre dans cette ville. Mais, je suppose que c'est la même chose dans toute la France, voire dans tous les pays où la rentrée des classes a lieu en septembre. Il faut dire aussi que cette année la rentrée a eu lieu le 31 août. Il fallait cela, ont expliqué les autorités, pour ne pas perdre toute une semaine et ne pas être obligé par conséquent d'allonger l'année scolaire jusqu'au 14 juillet. Je suis certaine que des parents ont oublié ou fait semblant d'oublier que la rentrée était lundi dernier. La demande de certificat de maladie a explosé ces derniers jours et les maux de ventre aussi. CQFD.

À la fois, je les comprends. Rentrer en classe en août, même si c'est le dernier jour du mois, c'est complètement déprimant.

Je vais me concentrer sur mon projet de Maison de santé.




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dimanche 8 septembre 2024
mardi 8 septembre 2015 De toutes les pathologies de ce début d'automne, de cette fin d'été, celle qui domine est l'anxiété. Elle prend différentes formes, bien sûr, la moins courante étant en fait la simple demande d'aide parce que le patient se sent anxieux. Le plus courant, c'est en fait toutes ces pathologies psychosomatiques pour lesquelles il faut d'abord évacuer des causes physiologiques sous-jacentes, tout en dosant au mieux le diagnostic pour ne pas avoir à prescrire une échographie à chaque mal de ventre sans diarrhée. Le mal de ventre est de toutes ces maladies psychosomatiques la plus répandue. Elle touche sans distinction enfants et adultes de tous les âges. La rentrée fait mal au ventre.

En fait, l'expérience fondatrice que toute la population ou presque a vécue, c'est la rentrée scolaire et j'ai vu des retraités angoissés parce que c'était la rentrée alors qu'ils n'avaient ni enfants ni petits-enfants qui y étaient assujettis. Interrogés sur la raison qui avait pu provoquer cette crise d'angoisse, on était arrivé assez rapidement à la rentrée. Je me souviens de cet homme qui m'a avoué, presque gêné, que la seule vue des cartables neufs au supermarché lui donnait la nausée et que les enfants qui passaient devant chez lui pour aller à l'école lui donnaient mal au crâne. Il en était ainsi depuis plusieurs années et en fait depuis la début de la retraite. Il commençait à se sentir mieux après la Toussaint, c'est-à-dire après le moment où il était moins dans son jardin et assistait donc moins aux allées et venues des enfants et de leurs parents. En fait les médecins attendent aussi la Toussaint.




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jeudi 26 septembre 2024 samedi 26 septembre 2015 Ce n'est pas encore la Toussaint et j'ai déjà eu deux profs épuisés, un homme et une femme. L'épuisement des profs ne fait pas de distinction de genre. Les enfants, quand ils sont en groupe, surtout entre le CM1 et la seconde sont de parfait harceleurs. Ils choisissent assez vite leurs proies et ces proies finissent chez le médecin. Il ne s'agit pas alors de leur conseiller d'engager une psychothérapie. Bien sûr, je le fais, mais il faut surtout les aider à tenir. Le mieux est de parvenir à ne pas les arrêter. Dans la guerre scolaire, les enfants n'ont pas de pitié pour leurs victimes.

Je vois ainsi des personnes à bout de souffle, se sentant profondément coupables de ne pas parvenir à tenir leur classe. Le plus souvent, il développent aussi des pathologies annexes. Je tente de rafistoler le tout et je leur dis de revenir me voir et de tenir jusqu'à la Toussaint.

Je me souviens de cette femme qui, une année, n'a pas tenu jusqu'à la Toussaint. Elle a mis fin à ses jours une nuit d'un dimanche à un lundi, sans doute pour ne pas avoir à vivre encore le calvaire que ces monstres lui faisaient endurer. J'ai vu ensuite défiler ses collègues, ses élèves et même les parents d'élèves. Le principal du collège a démissionné. Le recteur est venu admonester tout le monde. Les enfants ont été calmes jusqu'à la Toussaint. Et puis, ils ont choisi une nouvelle proie. Mais là, ils se sont trompés et la proie s'est rebiffée. Ils ont bien essayé de crever les pneus de sa voiture, mais il est venu en bus. Il a tenu et ils ont fini par se lasser.

Tout cela est bien décevant.




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lundi 14 octobre 2024 mercredi 14 octobre 2015
L'air est plus léger. La Toussaint se profile. Comme chaque année, les enfants sont moins malades. Les parents aussi, car, certains prennent des congés pendant les vacances scolaires et ne peuvent risquer d'être malades avant. Il n'y a que les retraités sans enfants qui ont des bobos. Parfois, c'est parce que personne ne veut les emmener en vacances et qu'ils vont passer deux semaines seuls ou presque. Il faudra que j'interroge ma copine vétérinaire pour qu'elle me dise si les maladies sont aussi saisonnières chez les animaux de compagnie. Je suppose que oui.

Le dossier de financement de la maison de santé est presque prêt et j'ai les engagements écrits de l'équipe entière. Je suis assez fière de moi. Le plus difficile, tout compte fait, ça a été le dermatologue et l'ophtalmologue. On se les arrache. Mais j'ai trouvé deux jeunes engagés et tout va bien. Ils sont en couple, mais je ne suis pas supposée le savoir. Cela m'est bien égal. Sauf que si l'un s'en va, l'autre suivra et s'ils se brouillent ce sera la cata.

Je croise les doigts. La jeune architecte qui m'a fait l'avant-projet sommaire est vraiment super. Je la trouve un peu déprimée, mais elle est super.

Elle viendra avec moi présenter le dossier.




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samedi 26 octobre 2024 lundi 26 octobre 2015 Tout se présente au mieux. Hermine a été formidable. Le projet qu'elle a présenté a, je crois, enthousiasmé l'Agence régionale de santé, le département et la métropole d'Amiens. Il faut dire que tous les représentants institutionnels étaient des hommes et que Hermine est très jolie. Elle leur aurait vendu un bungalow sur roulettes.

Mais le projet architectural qu'elle a présenté n'a rien d'un bungalow sur roulettes. Il s'inspire des cabanes maraîchères des hortillonages, qui, elles-mêmes, ressemblent à des cabanes de contes traditionnels. Ainsi, chaque médecin aura son cabinet dans une cabane. Elles seront disposées en cercle et la salle d'attente commune sera une sorte de préau couvert au centre du cercle des cabanes, avec des portes face aux portes de chaque cabane. Des portiques protègeront le passage d'un bâtiment à l'autre. Il y aura aussi un accueil commun. C'est un projet en matériaux traditionnels et construits de manière à former un ensemble bâtimentaire passif. Le chauffage sera assuré par une pompe à chaleur alimentée par géothermie.

J'espère que ces messieurs auront été aussi convaincus par le projet de centre médical pluridisciplinaire que par la plastique d'Hermine. Elle s'est fait remarquer, déjà par un projet d'habitations dans le cadre du projet du Grand Paris. Cela a relancé sa carrière. Elle m'a confié qu'elle avait failli l'abandonner il y a quelques années. Maintenant son agence d'architecture fait référence dans le milieu de la construction institutionnelle durable.




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lundi 28 octobre 2024 mercredi 28 octobre 2015 C'est la première fois que je vois cela et Hermine aussi. Je crois que nous avons été si convaincantes que la réponse est venue dès hier, le lendemain de notre présentation. Mais, il y a une demande particulière à laquelle il est fortement souhaité que nous répondions, sans que cela pour autant soit obligatoire. Les financeurs, dans un bel ensemble, nous demande de mettre en place dans un ancien centre social une sorte de « maison du projet », avec les plans, une maquette et surtout une permanence médicale pour que les gens du quartier puissent non seulement prendre connaissance de ce que les édiles leur préparent, mais aussi avoir tout de suite un service nouveau.

Nous allons accepter. Cela veut dire que je vais accepter. Je vais fermer mon cabinet en centre-ville et venir m'installer dans ce centre social une fois qu'il aura été repeint et un peu rafistolé. J'ai quand même fait promettre qu'il y aurait du chauffage, sinon je ne vais pas tenir.

C'est drôle, car c'est un peu comme le projet de cabinet sur un bateau que j'avais imaginé cet été, mais qui s'était avéré irréalisable. Les bâtiments que je vais occuper sont au centre de la cité. Il y a même des hublots.

J'espère qu'il n'y aura pas de tempête.

Mais, le risque principal, je pense, c'est que la préfiguration marche si bien qu'ils renoncent à construire le projet définitif.




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mercredi 13 novembre 2024 vendredi 13 novembre 2015
Ce qui se passe à Paris, ce qui s'est passé à Paris aujourd'hui est indescriptible.

J'ai reçu un message de l'ARS me demandant de me tenir à disposition au cas où ils auraient besoin de médecins à Paris, ou bien à Amiens si des blessés y sont transportés.

Ce sont des scènes de guerre.

C'est un massacre.

Dans quelques années, on racontera cette journée. Il y aura des procès. Aujourd'hui, il n'y a rien qu'une sidération pesante.

Il y a ces vies arrêtées et ces vies blessées. Il y a les vivants, les survivants et les morts, tous blessés à jamais.

Ma tristesse n'est pas mesurable.

Mes mots m'apparaissent ce soir dérisoires.




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lundi 25 novembre 2024 mercredi 25 novembre 2015 Je suis encore comme tous les Français, je crois, et aussi comme la plus grande partie du monde, des gens du monde entier, dans  un état de sidération. Je suis en deuil comme, je crois, je n'ai été en deuil que pour mes grands-parents. Au cabinet, dans la salle d'attente, les gens ne parlent pas. Parfois, quelqu'un sort un mouchoir, mais ce n'est pas le rhume, ce n'est pas la grippe, qui commence pourtant à faire son travail de grippe.

Le monde publie les photographie des personnes assassinées. Ces seules photographies me font pleurer. Aujourd'hui, c'est celle d'un jeune homme de 26 ans qui se prénommait Valentin. Elle est en noir et blanc, c'est celle d'un enfant. Il a juste un peu de poil au menton et une peau de lait. Son amoureuse est avocate comme lui et ils s'étaient rencontrés à la faculté de droit. Elle aussi a été blessée mais elle n'est pas morte.

J'espère que les parents de Valentin ne verront pas cette photo imprimée sur tous les exemplaires du journal et que Éva, c'est le prénom de la jeune femme, ne la verra pas non plus. Ou bien ils la verront, ou bien ils ont besoin de la voir. Je n'en sais rien. Je ne peux pas deviner, je ne veux surtout pas deviner.

La publication de ces visages va être une épreuve, mais c'est une épreuve nécessaire. Il faut rendre hommage à nos morts comme a dit cette dame au verbe fort dont les paroles résonnent désormais sur les réseaux sociaux.

Valentin Ribet.





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mardi 3 décembre 2024 jeudi 3 décembre 2015
Les tueurs sont encore recherchés. Leurs portraits, obtenus via la police belge, sont diffusés partout. Je regarde ceux qui sont dans le journal Le Monde daté d'aujourd'hui. Même en cherchant bien, je ne parviens pas à trouver quelque distinction qui me ferait dire, croisant l'un d'eux que c'est lui, que c'est l'autre. Ils ressemblent à n'importe quel jeune homme aux traits maghrébins. Je rencontre des jeunes qui leur ressemblent tous les jours. Je reçois au cabinet des jeunes qui leur ressemblent et qui ne sont pas eux. J'imagine que la police doit crouler sous les appels et qu'ils ont été vus dans la moindre ville de France, à tous les péages autoroutiers, dans les trains, le métro, les bus. Ils ont été vus partout, très certainement, mais ils n'ont pas été trouvés.

Quand je regarde ces images, ce que je vois, c'est la normalité. On s'imagine toujours que les tueurs ont des têtes de tueur. Rien n'est moins vrai. Les tueurs ont toujours plus ou moins la têtes de vos voisins et c'est cela qui les rend effrayants.

Qu'est-ce qui a pu conduire ces jeunes à tuer autant de gens, jeunes comme eux pour la plupart. On le saura peut-être mais on ne le saura jamais, en fait. C'est indécidable. C'est cela qui est terrible avec le libre arbitre, c'est que dans les actes humains, il y a toujours quelque chose qui échappe à l'entendement, à la logique, à l'explication.

Je suis sûr que certains vont leur trouver des têtes de tueurs, mais c'est parce qu'ils sont racistes et qu'ils trouvent d'ordinaire que tous les arabes ont des têtes de criminels.

Mais pas moi.




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samedi 21 décembre 2024 lundi 21 décembre 2015 La vie reprend son cours.

La consommation est le talisman de cette société. Elle fait tout oublier.

Mes patients, même les plus pauvres, même ceux qui n'ont à l'évidence rien à voir avec le catholicisme et le petit Jésus dans la crèche, etc. vont quand même essayer de fêter Noël et de dépenser l'argent qu'ils n'ont pas. Certains vont même jusqu'à s'endetter pour offrir des cadeaux dont beaucoup seront moches et revendus sur des sites spécialisés la semaine d'après, parfois par les mêmes et rachetés moins chers par les mêmes.

Cela me déprime.

Quand je vois les difficultés que j'ai pour monter mon centre, les difficultés que nous rencontrons tous pour accueillir et soigner les pauvres, cette débauche de nourriture, d'alcool et de bêtise, cela m'accable.

Et puis je me reprends. Il y a parfois des étoiles dans les yeux des enfants pauvres et cela vaut plus que tout.

J'ai rendez-vous avec la métropole au début de l'année prochaine. J'espère que ce sera conclusif.

Je vais laisser le cabinet ouvert pendant les fêtes. Au moins comme ça, je servirai à quelque chose.




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mardi 31 décembre 2024 jeudi 31 décembre 2015 Nous allons célébrer le passage de la nouvelle année toutes les deux, Hermine et moi. Je suis heureuse que le projet de centre médical nous ait fait nous rencontrer, nous apprécier puis nous aimer. J'ai d'abord aimé son approche de l'architecture par l'usage et puis je l'ai aimée elle et je crois bien que c'est réciproque. Je crois que nous allons nous marier en 2016 et on invitera Christiane Taubira.

Nous avons la chance d'avoir deux familles qui sont aux anges depuis l'annonce de ce mariage. Moi, j'avais fait mon coming out depuis longtemps. Ce n'était pas la cas d'Hermine alors je lai aidée. Je l'ai accompagnée et contrairement à ce qu'elle craignait, tout le monde a très bien pris la chose, surtout sa grand-mère d'ailleurs, dont elle m'a dit qu'elle n'avait jamais été très conventionnelle.

Nous aurons des enfants. Nous aurons au moins deux enfants. C'est décidé. Ce qui n'est pas encore calé, c'est la méthode que nous choisirons pour en avoir. Mais nous tomberons bien d'accord sur cela. Une fois que l'on a déconstruit les idées patriarcales sur la famille, tout devient plus simple, plus facile. On nous demande parfois encore comment nous allons faire pour le père. Mais nous n'allons rien faire du tout. Nos enfants pourront bien vivre sans père.

Je goûte le bonheur comme je ne l'ai pas goûté depuis longtemps et je crois bien que c'est partagé.