7. Une rencontre importante

Le commissaire Curieux se dirigeait maintenant à vive allure vers le château des cinq tours.  Quelle ne fut pas sa surprise, sa stupeur, son étonnement extrême, quand arrivé près de la rivière, il vit que le pont était coupé. Bien évidemment, il n'avait pas d’hélicoptère. Le Roi Nicolas avait refusé d’en acheter un pour la police royale. Le commissaire chercha alors un téléphone, mais malheureusement, il n'y en avait pas, ou plutôt, il y en avait bien un, abandonné, avec un fil plus long que tous les colliers de la Reine, mais il était de l'autre côté de la rivière. Comment aurait-il pu l'atteindre ? Il pensa qu'il n’avait plus qu'à faire demi tour.

Et c’est ce qu'il allait faire quand il entendit derrière lui un drôle de bruit, un bruit aigu et répétitif comme une vieille porte qui n'en finirait pas de grincer et de ronchonner.  Le bruit d’abord faible et lointain semblait augmenter et se rapprocher d'instant en instant.

Soudain, au détour du chemin, le commissaire vit apparaître une bien bizarre machine, un carrosse, mais un carrosse d'un modèle très particulier, une grosse, très grosse citrouille avec quatre vilaines roues de bois, le tout tiré par deux énormes rats roses.  Sur la citrouille, il y avait une femme avec de longs cheveux blonds, une très jolie robe et une grande baguette dorée.

Françoise CLoarec - tous droits réservés - francoise.cloarec@wanadoo.frLe commissaire Curieux se gratta la tête. Une citrouille-carrosse, un carrosse-citrouille, c'était bizarre mois il avait déjà vu ça quelque part.

En fait il n'en avait jamais vu mais, comme à peu près tout le monde, il en avait déjà entendu parler... Après toutes ces années, toutes ces histoires, c’était encore la vieille Cendrillon qui se promenait dans son vieux carrosse grinçant, dans sa vieille citrouille pourrie, et tant pis si ce n'est pas joli de dire vieille citrouille pourrie dans une histoire.

Le commissaire Curieux, toujours bien informé, connaissait un peu l'histoire de Cendrillon. Oh, pas l'histoire que tout le monde connaît et que tout le monde raconte, mais la suite de cette histoire !

Après son mariage avec le Prince Charmant, Cendrillon en avait eu très vite assez de ce Prince de mari là qui continuait en effet, derrière son dos, à aller faire essayer des chaussures à toutes les jolies filles de la région. De nouveau Cendrillon s'ennuyait, pleurait le soir quand elle était seule, et retournait dormir dès qu’elle le pouvait dans les cendres de la cheminée somptueuse de sa chambre princière.

Comprenant qu'elle était en train de mal tourner, elle appela sa marraine et lui demanda un carrosse, un carrosse-citrouille, comme au bon vieux temps, pour aller se promener. C'était tellement plus amusant qu'un Prince Charmant qui n’était jamais là ! Sa marraine avait accepté.

Quelques années plus tard, sa marraine, qui, on s'en souvient, était une fée très célèbre, appela Cendrillon pour lui dire qu'elle en avait assez de faire la fée. Changer ceci en cela et cela en ceci et recommencer, ceci en ceci et cela en cela lui donnait le tournis. Elle proposa que Cendrillon prenne sa place, si elle le souhaitait.

Comme le métier ne marchait pas mal et qu'il était assez intéressant, Cendrillon avait accepté.  Elle avait aussi pensé ouvrir un magasin de chaussures, mais ça n’avait rien à voir. Cendrillon était donc devenue la fée Cendrillon, la fée Cendrillon au carrosse citrouille pourrie. 

Une seule chose étonnait le commissaire. Cendrillon, malgré son âge avait toujours de longs cheveux blonds.  La fée, qui devinait tout, magie oblige, lui dit : « Commissaire, que vous me semblez vieux jeu.  Est-ce parce que l'on est une fée que l'on ne doit pas aller chez le coiffeur et que l'on ne doit pas se faire teindre les cheveux ? D'ailleurs mes rats roses aussi sont teints. Les gens ont si peur des rats, comme ça c'est plus gai, plus rassurant, plus joli, Vous ne trouvez pas, Commissaire ? »

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