Nous
en avons eu un exemple éminent dans l'affaire Dreyfus continuée en
affaire dreyfusisme. On peut dire que les politiciens introduisent et
dans l'action et dans la connaissance (où déjà il y en a tant, où il y
en a tant de naturelles), des difficultés artificielles, des
difficultés supplémentaires, des difficultés surérogatoires, des
difficultés plus qu'il n'y en a. Et il y en a déjà tant. Ils veulent
toujours, quelquefois par politique,
mais généralement par incompréhension naturelle, par insuffisance, par
incapacité d'aller profondément, que les serviteurs des mystiques
deviennent les agents des politiques. Ils introduisent partout, ils
découpent, des déchirures temporelles gratuites, des déchirures
politiques artificielles. Comme si ce n'était pas assez déjà des grands
déchirements mystiques. Ils créent ainsi des enchevêtrements. Nous en
avons eu un exemple éminent dans cette immortelle affaire Dreyfus
continuée en affaire Dreyfusisme. S'il y en eut une qui sauta
par-dessus son point de discernement, ce fut celle-là. Elle offre, avec
une perfection peut-être unique, comme une réussite peut-être unique,
comme un exemple unique, presque comme un modèle un raccourci unique
généralement de ce que c'est que la dégradation, l'abaissement d'une
action humaine, mais non pas seulement cela : particulièrement,
proprement un raccourci unique, (comme) une culmination de ce que c'est
que la dégradation d'une action mystique en action politique passant
(aveuglément ?) par-dessus son point de rupture, par-dessus son
point
de
discernement, par dessus son point de rebroussement, par-dessus son
point de continuité discontinue.
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Jeanne
d'Arc, contemporaine, est une
femme qui fait autre chose que ce que
l'on permet aux femmes. Elle est kurde. Elle est palestinienne.
Elle
est syrienne. Elle est irakienne. Elle est française aussi. Elle est
dans l'Histoire et dans notre histoire. Rien n'oblige à ce qu'elle soit
vierge. Il
y a d'ailleurs beaucoup de femmes dans l'histoire qui ont fait pour la
première
fois ce qu'on ne leur permettait pas et on ne les a pas condamnées à la
virginité éternelle. On a fait
de Jeanne d'Arc une Sainte, et pour que ce soit plus plausible, on l'a
laissée pucelle.
C'est quand même curieux, cette crainte terrible de la sexualité des
femmes qui fait que la sainteté ne s'entendrait qu'avec la virginité.
Car, on connaît de nombreux saints à qui l'histoire n'a pas imposé
cela. Avant de devenir Saint, et même Père de l'Église, Augustin
connut ce que l'on nomme la débauche, et il connut tant de débauches
qu'il inventa le péché originel. Il n'en demeure pas moins qu'il
n'était pas vierge et que l'Église en a fait un Saint. Heureusement, il
y a Marie-Madeleine, qui est Sainte parmi les Saintes,
et personne n'a jamais prétendu qu'elle était demeurée vierge. Marie de
Magdala, somptueuse pécheresse, est le premier témoin de la
résurrection du Christ, et personne n'a demandé qu'on lui reconstruise
auparavant sa virginité. En conséquence, nous nous passerons bien de
la virginité de Jeanne, estimant que cela ne nous regarde pas. En fait,
la virginité, c'est comme la circoncision. Il y a ceux qui considèrent
l'une et l'autre sur le plan de la chair, et sur le plan de la chair,
ce n'est pas grand chose, un hymen et un prépuce, c'est à peine
quelques grammes et c'est vite oublié. Il y a ceux qui considèrent la
virginité sur le plan de l'amour et cette virginité-là ne pèse pas
quelques grammes de chair. L'armure d'amour de Jeanne n'était pas une
ceinture de chasteté. |